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Martiniquais bâillonné

Contrairement à la Corse, la cour administrative n'a pas reconnu à La Martinique que sa langue, le créole, soit co-officielle du français. Il y a dans ces arrêts une interprétation qui va toujours à l'interdiction. Il est donc temps de changer l'article constitutionnel qui sert de prétexte à ce bâillonnement.

Le Tribunal Administratif de Fort-de-France, Martinique, près d’un an et demi après, a annulé le 3 octobre dernier une délibération de 2023 faisant du créole la langue officielle du département, au côté du français.

 

Ainsi, une fois de plus l’article 2 de la Constitution sert à étrangler les volontés d’un pays aux réalités linguistiques et historiques particulières en matière de droit à sa langue.

 















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La loi française s’opposera moins aux projets d’enseignement bilingue


Une heureuse surprise l’adoption de la Loi Molac le 8 avril ? Un mouvement de fond, plutôt, invisible sans doute, mais réel, préparé et soutenu par la création d’un collectif Pour Que Vivent Nos Langues et par la fondation du groupe parlementaire Libertés et Territoires. Analyse.



Le rapporteur Paul Molac. Un travail parlementaire de longue haleine, soutenu sur le terrain par de nombreuses associations (photo MN)
Le rapporteur Paul Molac. Un travail parlementaire de longue haleine, soutenu sur le terrain par de nombreuses associations (photo MN)

Adoptée à une large et inespérée majorité, la proposition de loi 3658 relative à la “ protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion” introduit quelques dispositions légales inédites dans l’univers du droit à se voir enseigner une langue régionale, et en langue régionale.

 

Elle montre aussi que le corps législatif est capable de s’opposer aux volontés gouvernementales, ce qui n’est pas moins important.

 

La proposition de loi portée par le député Libertés et Territoires Paul Molac, a bénéficié dans un premier temps de la constitution de ce groupe parlementaire dont les attachés parlementaires ont pu travailler finement la rédaction du texte et le border juridiquement. La faiblesse des attaques lors du débat en seconde lecture à l’Assemblée Nationale témoigne du peu de prises que le projet a laissé aux habituels cassandres qui arguent de l’inconstitutionnalité probable de ce genre de texte, le 55è mis sur le bureau de l’Assemblée Nationale depuis 1951, et le seul qui ait connu le succès.


Les contrats Région-Académie permettront de généraliser la proposition d'enseignement des langues régionales

Photographie territoriale du vote de la loi Molac parmi les députés en Provence (Ciprian Emeric DR)
Photographie territoriale du vote de la loi Molac parmi les députés en Provence (Ciprian Emeric DR)

Vaste par son propos – il reconnait les langues parlées à Mayotte, tranquillise juridiquement la signalétique en langues minoritaires de France, inscrit dans le code du patrimoine les langues en principe seulement protégées par la Constitution, autorise les signes graphiques propres à certaines langues, etc… - il introduit cependant deux dispositions particulièrement importantes pour l’enseignement des langues minoritaires : il défraie les parents qui, souhaitant un enseignement bilingue pour leurs enfants, devraient les envoyer dans l’école -associative sous contrat – d’une autre commune ; et il autorise les écoles publiques en immersion linguistique à aller plus loin que la parité entre la langue minoritaire et le français.

 

Mais plus largement, il crée une obligation à l’Education Nationale. Quand une Région passe contrat avec l’Académie, si ce contrat stipule que la langue régionale doit être proposée à tout élève du territoire, l’Education Nationale devra y satisfaire. Il s’agit bien de “proposer”, et non de rendre obligatoire cet enseignement comme certains députés s’en sont alarmés.

 

Charge donc aux défenseurs des langues régionales d’introduire dans le débat démocratique régional cette possibilité.


Les parlementaires prennent enfin de l'importance dans le travail législatif

Anne-Laurence Petel (LREM Bouches-du-Rhône) et Bénédicte Taurine (LFI Ariège, mais se serait trompée lors du vote !) illustrent la prise d'autonomie des parlementaires face au gouvernement ou à la formation politique qu'ils soutiennent. Toutes deux ont voté contre la directive de leur formation politique et pour la loi Molac (photo XDR)
Anne-Laurence Petel (LREM Bouches-du-Rhône) et Bénédicte Taurine (LFI Ariège, mais se serait trompée lors du vote !) illustrent la prise d'autonomie des parlementaires face au gouvernement ou à la formation politique qu'ils soutiennent. Toutes deux ont voté contre la directive de leur formation politique et pour la loi Molac (photo XDR)

Adoptée largement – nos contacts préalables montrent que les occitanistes actifs s’attendaient à un vote négatif – par 247 députés contre 76, la loi dite Molac n’a pu l'être, adoptée, que par le non respect des directives du ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, par cent députés LREM.

 

Et cette révolte des parlementaires macronistes était cependant attendue par le promoteur de la loi. En entretien en janvier Paul Molac nous le disait bien, après le rétablissement par les sénateurs d'articles supprimés en première lecture : “même les députés de sa majorité, confrontés à des problématiques de terrain, sont méprisés par leur ministre. Alors, vaille que vaille, si de toutes façons ils ne peuvent attendre aucun compromis, de plus en plus ils disent “non”. Cela s’est vérifié dans l’hémicycle le 8 avril 2021.

 

 

Enfin au delà des longs débats préalables à l’adoption de la loi, il faut souligner que celle-ci est un projet purement parlementaire. Il a été rendu possible par les trop méconnues “fenêtres parlementaires” qui permettent aux députés de s’entretenir quelques jours par mois hors les propositions gouvernementales, et de faire parvenir jusqu’au débat des projets de loi issus des parlementaires eux-mêmes. Cette possibilité a été ouverte en 2008, par la même réforme constitutionnelle qui a inscrit les langues régionales dans la Consitution du Peuple Français.

 

Avec ces “fenêtres”, on le voit brillamment ici, le vote des citoyens pour leurs députés peut désormais aboutir à ce qu’ils soient entendus, au terme il est vrai d’un travail de longue haleine dont Paul Molac s’est acquitté depuis deux ans.


La réunion hexagonale des défenseurs de différentes langues à la base du succès

A Bayonne le 10 octobre 2020, un des cent rassemblements qui en France ont interpellé les députés...Une efficacité aussi souterraine que réelle (photo XDR)
A Bayonne le 10 octobre 2020, un des cent rassemblements qui en France ont interpellé les députés...Une efficacité aussi souterraine que réelle (photo XDR)

Le même Paul Molac, avec son homologue du Parlement Européen François Alfonsi, ont aussi préparé les esprits en proposant en septembre 2019 la constitution du collectif Pour Que Vivent Nos Langues. En faisant de la promotion des langues minoritaires de France une affaire trans-régionale, ils ont favorisé le mouvement qui permet aux députés Corses, Bretons, Catalans, etc. de prendre connaissance des volontés locales, et néanmoins nationales.

A cet égard, si le rassemblement parisien du 30 novembre 2019 a eu son importance en tant que déclancheur, les multiples rassemblements coordonnés dans tout l’hexagone le 10 octobre dernier, ont sans doute eu un impact profond sur les familles politiques d’où, on l’a vu hier le 8 avril, se sont extraits de nombreuses voix discordantes depuis la majorité parlementaire.


Vendredi 9 Avril 2021
Michel Neumuller




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