
Le site internet du ministère de Josiane Taubira propose au public de se prononcer « pour », « contre » ou …de ne pas se prononcer, sur chacun des 39 points que la France serait prête à signer.
La Charte comporte 97 points, et les Etats qui la signent sont libres de choisir ceux qu’ils s’engagent à respecter. La seule obligation véritablement incontournable est d’accepter une évaluation régulière de la manière dont l’Etat signataire a rempli ses obligations.
39 points sur 97, on pourrait penser que l’effort de l’Etat français est plus que minimal. Toutefois cela semble encore trop, comme semble le montrer cette consultation.
Le ministère n’indique en rien ce qu’il compte en faire. Aucun droit de suite n’est proposé aux individus qui répondent au questionnaire proposé. Mais celui-ci par sa nature semble destiné à accepter moins de points encore que ceux que l’Etat, en 1999, sous le gouvernement de Lionel Jospin, s’était résolu à accepter.
Une consultation ouverte sur internet jusqu'au 23 octobre

Et imagine-t-on le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, se mettre ainsi à découvert au moment du vote de la très contestée loi qui porte désormais son nom, et qui fut arrachée au forceps ?
Selon Marie-Jeanne Verny, présidente du Centre Régional d’Etudes Occitanes du Languedoc, il s’agit d’une porte ouverte à l’opposition la plus farouche à la signature par la France de la Charte Européenne des Langues Régionales.
« Ils vont donc activer leurs réseaux pour que leurs militants et sympathisants inondent le ministère de clics "contre" » pense-t-elle. Et d’appeler à une réaction des gens favorables à cette signature : « tous ceux qui ont à cœur la promotion des langues régionales, quoi qu'ils pensent par ailleurs de la Charte, doivent donc réagir et faire réagir autour d'eux. L'enjeu est énorme. Il ne faut pas laisser passer l'occasion ».
Le Sénat se refuse à discuter le texte de loi proposé par le gouvernement

Elle est offerte dans un contexte législatif explosif. En effet, la Commission des lois du Sénat a jugé, le 14 octobre, qu’il n’y avait pas lieu de discuter la signature de cette charte par la France. La motion de la commission sera considérée comme un véritable « coup Bas », du nom du président de la-dite-commission, Philippe Bas (Les Républicains).
« Si nous la signions elles serait immédiatement regardée par nos partenaires signataires de la Charte comme contraire à celle-ci » a expliqué M. Bas devant les caméras de la chaîne parlementaire Public Sénat.
Pour le sénateur il s’agit de souligner que cette signature serait inconstitutionnelle et qu’il « n’est pas nécessaire de la signer pour que la France en respecte les 39 points sur lesquels elle entend s’engager ».
L’argument d’une « signature inutile » permettrait en fait à l’Etat de faire l’économie des évaluations qui, en cas de non-respect, mettraient le gouvernement en situation d’être connu comme non digne de confiance, et parjure.
C’est donc à un débat de portée générale sur la Charte que le Sénat ouvrira le 27 octobre, sans qu’il ne se prononce sur le texte proposé par le gouvernement.
Si en effet, le Conseil Constitutionnel a régulièrement retoqué les textes législatifs qui, depuis 2002, proposent la signature de cette charte par la France, à l’argument que l’article 2 de la Constitution pose que « le français est la langue de la République », Christiane Taubira avait proposé le 31 juillet dernier de sortir de cette impasse, grâce à un projet de révision constitutionnelle.
Une loi constitutionnelle à l'issue incertaine
L’issue d’un tel vote resterait incertaine. Le débat transcende en effet largement les clivages partisans. Un Les Républicains influents tel Marc Le Fur, est un partisan déclaré de la Charte Européenne, qui est appelée de ses vœux par le centriste François Bayrou. Une socialiste aussi influente que la députée 05 Karine Berger y est résolument opposée, moins toutefois que l’ex-président du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon…Si ce dernier n’est plus député, il n’en exerce pas moins une influence certaine.
Mais le président, pour qui cet engagement de campagne en 2012 n’est pas non plus un acte politique essentiel, s’engagera-t-il plus avant en convoquant le Congrès dans un tel contexte de tension ?
Certes, pour le président de l’Assemblée Nationale Jean-Jacques Urvoas, il y a « une fenêtre de tir pour la fin de l’année 2015, puisqu’il y a plusieurs projets de constitutionnels qui cheminent », en particulier une réforme attendue du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Mais la Charte Européenne des Langues Régionales subit l’opposition aussi constante qu’irrationnelle d’une large partie du personnel politique. Sans l’avouer sincèrement, celui-ci imagine que, de toute avancée des langues régionales dans l’univers du droit en France, résulte un affaiblissement du caractère un et indivisible de la République.
Un mode de pensée qui suscite la stupéfaction des Français favorables à la diversité reconnue dans la République.