
Si certains accompagnent le développement des enseignements, d’autres doivent se contenter d’entendre une information de l’Administration. Les situations sont donc contrastées entre Nice et Aix-Marseille.
Côté souriant, Nice. Autour de Claire Lovisi, la rectrice d’Académie, « elle-même à la base professeure d’une langue très minoritaire et minorisée » (elle est latiniste) dit un des siégeants du CALR niçois, on trouve une équipe motivée par les bons résultats.
Le nombre d’élèves apprenant l’occitan a plus que doublé depuis 2009 dans cette Académie frontalière de l’Italie. Et le fait n’est pas anodin, puisque l’occitan est présent dans plusieurs projets internationaux, telle la plate-forme internet transfrontalière Commenius Regio.
A l’Ouest rien de nouveau

Dans la salle du rez-de-chaussée du Rectorat d’Aix-Marseille, c’est la morosité qui régnait, à l’inverse, le 18 décembre 2014, pour la réunion annuelle du Conseil Académique de la Langue Régionale.
Ce jour-là, le nouveau recteur prend ses fonctions, il parle à tout le personnel, il ne siège donc pas au CALR. Mais en 2013 son prédécesseur n’y était pas non plus, préférant déléguer.
« Ses priorités étaient ailleurs, c’est clair » signale un syndicaliste siégeant ; « on comprend que la difficile réforme des rythmes scolaires lui prenne la tête, mais ça n’empêche pas de s’intéresser à la langue régionale ! »
Le désintérêt produirait ses effets, selon d’autres membres, interrogés par nos soins.
Car le bilan est tout autre qu’à Nice, dans les quatre départements provençaux et alpins de l’Académie d’Aix-Marseille (3 millions d'habitants). Là les lycées accueillent dans leurs cours d’occitan 837 élèves, dont 610 dans les seules Bouches-du-Rhône. En 2009 ils étaient 1020.
La décroissance des effectifs est lente, mais certaine.
Plan à Nice, valse-hésitation à Aix-Marseille
Enseignants et associatifs sont remontés, qui réclament un emploi de Conseiller Pédagogique dans les Alpes « pour raviver l’envie d’enseigner de professeurs qui manquent de soutien, de formation et d’outils pédagogiques » selon un syndicaliste.
En face, l’Administration invoque tout à la fois la difficulté de garder de jeunes enseignants qui rêvent de retourner dans un Languedoc plus vif de ce point de vue, et le souhait des parents de voir enseigner des « matières efficaces pour trouver un emploi ». L’occitan passerait aux tréfonds des préoccupations, si l’Académie ne cherchait pas à protéger ce qui peut l’être, entend-t-on.
A Nice, le 5 février, le délégué académique pour les langues régionales, Steve Beeti, a de son côté brossé les actions du Plan académique de développement des enseignements de langues et cultures régionales. Lancé en 2010, il concerne aussi le corse et le monégasque. Mais c’est de l’occitan dont il a été question le 5 février.
Le Diplôme de compétence en langue (DCL d’occitan), mis en œuvre depuis 2011 dans ce cadre, qu’Aix-Marseille n’a pas voulu mettre en place, a produit ses effets dans l’Académie de Nice : 28 candidats l’ont obtenu, dont de nombreux professeurs qui souhaitent irriguer leurs cours par cette connaissance. Ils créent un climat favorable à la matière chez leurs élèves.
Le jeu des nominations de titulaires du Capes a porté l’effectif à 17, dont 4 depuis 2010. L’enseignement de l’occitan est donc proposé dans 18 collèges et 14 lycées des Alpes-Maritimes, et dans 13 collèges du Var ainsi que 7 lycées.
Le primaire sauve le bilan à l’Ouest

Ainsi le Plan Académique de Formation comporte un volet Langues Régionales avec conférences pédagogiques et modules de formations à la clef pour les profs intéressés.
L’Académie d’Aix-Marseille, de son côté, « semble se contenter de compter les pertes » souligne un représentant de l’Association pour l’Enseignement de la Langue d’Oc. « Elle danse une sorte de valse-hésitation pour confirmer un seul et unique poste de conseiller pédagogique dans le Vaucluse, où son travail a donné des résultats. Une année le poste est maintenu mais précarisé, celle d’après il est supprimé, avant que la bataille associative ne parvienne à le remettre en selle. Jamais rien de définitif, jamais d’inscription dans un plan de développement …»
Pour les associations de promotion de la langue d’oc comme pour les enseignants, c’est un peu « Nice qui rit, et Marseille qui pleure ! L’une qui considère l’occitan comme une langue d’avenir, l’autre qui la voit comme une langue morte».
Mais tout n’est pas négatif à l’occident de l’Huveaune. Le point fort reste l’enseignement maternel et primaire.
Modules de formation et conseillers pédagogiques favorisent la hausse des effectifs d'occitan

6982 écoliers apprenaient le provençal dans le département le plus peuplé des deux Académies de Provence. Soit plus 10% en trois ans.
Dans une petite trentaine d’écoles publiques, les élèves apprennent même la langue trois heures par semaine, et reçoivent un enseignement en provençal de trois heures lui aussi, en histoire, mathématique, ou quoi que ce soit. Trois sont même bilingues. Il faut encore y ajouter une Calandreta (école associative immersive) à Gap (05), et une seconde à Orange (84).
Aucun miracle à cela. Une mission académique dotée de conseillers pédagogiques, depuis 1992, crée des outils pédagogiques, assure la formation des maîtres, accompagne les projets d’écoles qui rejoignent ce réseau.
Un phare qui ne parvient pas à attirer le regard des Recteurs d’une Académie qui en a vu trois se succéder depuis 2013. Ils passent ainsi à côté d'un enseignement essentiel à la société régionale, et le laissent se déliter dès l'entrée en sixième.