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Anthologie : la musique oc et le reste


Camille Martel et Jordan Saïsset signent une anthologie de la musique occitane, avec cent album qui disent un monde et ses filiations historiques. Pour Jordan Saïsset la musique prolonge la personnalité et les choix de vie de ces artistes de diverses générations, qui jamais ne renoncent à mettre leur société au centre du propos.



Jordan Saisset, co-auteur des Musiques Occitanes, avec Camille Martel (photo MN)
Jordan Saisset, co-auteur des Musiques Occitanes, avec Camille Martel (photo MN)
On attendait avec impatience la sortie des Musiques Occitanes, un éventail critique ouvert sur cent disques de musique dite « occitane ». Les éditions Le mot et le reste le publient ces jours-ci, et si nous n’avons pas encore reçu cet ouvrage, nous sommes déjà curieux au-delà du possible.
 
En effet, l’ouvrage, qui pourrait être de référence, est l’œuvre de deux journalistes trentenaires, et à peine ! La Fnac ne proposait plus depuis longtemps les vinyles de Marti quand Camille Martel et Jordan Saisset se sont vus offrir leur premier hochet. Ce sont donc de jeunes afogats, très occupés par ailleurs sur le plan musical, qui tentent l’expérience.

Camille Martel, quand il ne se produit pas sur scène avec Doctors de Trobar, tente de vivre du journalisme (l’époque n’est pas propice). Fin 2014 il a commis un monumental Massilia Sound System, très honnête, fouillé, et dont le moindre intérêt n’est pas d’analyser chacun des textes du groupe de ragamuffin dans son contexte. Jordan Saisset assume, lui, la rubrique Musiques du périodique culturel provençal Ventilo. Il montre régulièrement son intérêt pour les musiques du monde, particulièrement pour la création dans la musique occitane.
 
C’est à lui que nous avons posé quelques questions.

Des musiques qui renversent les codes établis

Référence incontournable, artiste à l'oeuvre durable, Claude Marti -ici en 1980- doit son actualité au fait de remettre son pays, une "périphérie", au centre du discours (photo XDR)
Référence incontournable, artiste à l'oeuvre durable, Claude Marti -ici en 1980- doit son actualité au fait de remettre son pays, une "périphérie", au centre du discours (photo XDR)
Tu as à peine trente ans, Marti aurait quasiment pu être ton grand-père. Sa musique est à mille années-lumière du rap que tu écoutes…Est-ce un objet historique pour toi ?
 
La musique de Marti, comme d’autres du revival des années 70, a une valeur sentimentale. Et c’est aussi pour moi une musique « de proximité ». J’ai grandi dans le pays dont Marti parle de chanson en chanson. De ce pays en pleine paupérisation, on me disait qu’il valait mieux le fuir, qu’il ne s’y passait rien, qu’il n’est que dans la périphérie d’une chose ou d’une autre.

Puisque la musique de ma génération c’est le hip-hop ou l’électro, il était préférable d’être à New-York, Berlin, Paris ou Marseille...

Or, les musiques occitanes de ces années d’émergence, quand on s’y intéresse, renversent les codes dictés par les médias et la société en révélant une ruralité aujourd’hui largement délaissée, mise à mal par la société industrielle et tout ce qui n’a jamais été au service des hommes, comme dirait Marti... Elles contribuent à vous remettre au centre, intellectuellement, socialement, et ce de la plus belle des façons : dans l’altérité.

Quand la périphérie dit qu'elle est le centre

Quoi de comparable entre un Frédéric (1978) et les groupes contemporains qui font entendre reggae ou hip-hop ? Dire la société... (photo XDR)
Quoi de comparable entre un Frédéric (1978) et les groupes contemporains qui font entendre reggae ou hip-hop ? Dire la société... (photo XDR)
Pour parler encore un peu de Marti, emblématique, comment estimes-tu aujourd’hui sa musique ?
 
J’ai l’impression que l’on a souvent reproché aux premières chansons de Marti ou d’autres chansonniers de l’époque, qui ont pu écrire dans l’urgence, de ne pas trop soigner leur aspect esthétique, au moment où les Stones avaient de leur côté accès à des studio de folie. 

Pourtant, écouter les premiers morceaux de Marti me donne aujourd’hui la chair de poule, ce qui n’est pas le cas des Stones… Marti, s’il ne correspond pas aux canons dominants censés parler aux gens de ma génération, me parle de mon pays ; c’est très vif, à fleur de peau, et cette musique rend compte d’un environnement foisonnant sur le plan des idées… Quoi demander de mieux pour se sentir bien dans ses baskets lorsqu’on est un citoyen de « zone périphérique », qui parle le français en prononçant toutes les lettres, et préfère le muscat sec à la vodka Red Bull ?

Marti, pour moi comme pour la génération de mes parents, c’est l’histoire d’une réconciliation, avec une part de soi-même d’abord, et sociale ensuite. Personnellement, j’ai toujours trouvé ça très excitant d’arborer des particularismes dans un contexte de normalisation généralisée, et ce jusque dans ma façon de manger de l’ail cru à (presque) tous les repas.

Mais l’on ne peut cantonner cela à un simple besoin de distinction : il en va de la reconnaissance culturelle. Quoi que pour l’ail, je ne pense pas avoir eu le choix d’aimer ou pas, j’ai dû tomber dedans très jeune.

Le grand paradoxe, c’est que les grands canons dominants vantent, derrière des normes standardisées, les bienfaits de l’émancipation personnelle ou collective, l’attitude de ne jamais renier ses différences, etc. Le capitalisme lui-même se nourrit de sa propre antithèse.

Dans une société du simulacre où il n’est pas évident de savoir nager, d’avoir l’impression de vivre, prendre soin de ce qui nous construit et nous agite vaut, d’après moi, toujours la chandelle. Du moins, il est toujours intéressant et salvateur de jouer avec les codes. 

Filiations

Le Massilia Sound System du début. Tatou s'imprégnera des concepts de Félix Castang : le centre du monde c'est là où tu agis...( photo XDR)
Le Massilia Sound System du début. Tatou s'imprégnera des concepts de Félix Castang : le centre du monde c'est là où tu agis...( photo XDR)
Quoi de commun entre un Frédéric Bard, hispanisant depuis sa Camargue, et un Moussu T.  créateur de blues ciotaden ?
 
Ce qui est passionnant dans les musiques occitanes, c’est que la culture les transcende. Du moins, le marqueur culturel est très présent et identifiable, car en position de minorité d’abord.

Dans un pays qui a torpillé ses propres cultures populaires, les musiques occitanes sont pratiques pour nous rappeler combien la musique ne se résout pas à une simple démarche artistique, un apprentissage instrumental, une technicité ou d’hypothétiques talents.

Ces musiques nous rappellent qu’un musicien fait partie d’un tout, et que sa pratique prolonge son mode de vie, son quotidien, sa façon d’être au monde, dont il est l’unique garant. En somme : qu’il est quelqu’un avant d’être un musicien. Maintenant, qui est-il ?

En Occident, ne parler que d’esthétiques en matière musicale, qu’il s’agisse de pop, d’électro ou de musique symphonique, c’est finalement retomber dans une sorte de folklorisation, au sens péjoratif, français, du terme, pas au sens premier qui devrait être le sien (folklore = science du peuple, Ndlr)…

Or les musiques occitanes dépassent les clivages esthétiques, elles véhiculent une idéologie, et il me semble important de dévoiler comment toute supposée « neutralité » ou « objectivité » n’est qu’une fiction, d’autant plus dans notre société en proie à la globalisation culturelle…

Evacuer le social en matière musicale apparaît impossible, ce n’est qu’un mensonge, et le fruit d’une volonté. Ça dépasse d’ailleurs le cadre musical : ce sont les journalistes de TF1 ou BFMTV qui se prétendent aujourd’hui objectifs, ou socialement neutres, et ce jusque dans leur façon de parler… En finir avec cette idée, c’est se libérer et considérer l’Autre dans le même temps.

Toutes les musiques occitanes ont donc un point commun, elles portent une volonté culturelle, rendent compte d’une préoccupation sociale. Parfois les artistes eux-mêmes signalent leur filiation. Tatou (Moussu T.) n’a-t-il pas samplé Yves Rouquette, Lambrusc ou Rosina de Pèira comme Camille le souligne dans son livre sur le Massilia Sound System ?

Chaque génération met la musique occitane à sa sauce

Faire partager une tradition musicale à toute l'Europe, un résultat du "chanter vrai" ? Ici le groupe polyvocal Corrou de Bèrra (photo MN)
Faire partager une tradition musicale à toute l'Europe, un résultat du "chanter vrai" ? Ici le groupe polyvocal Corrou de Bèrra (photo MN)
La musique occitane s’est faite entendre dans un public qui souvent comprenait l’occitan, parfois le parlait. La situation a sacrément changé. J’entends souvent la réflexion suivante : « vous ne parlez pas l’occitan, vous le chantez. N’est-ce donc qu’une langue à chanter ? » Quel avenir pour une musique qui porte un message, mais que plus personne ne comprendrait ?
 
Voyons clairement que les populations changent. Beaucoup s’installent en Occitanie, et sans avoir de rapport avec la culture ainsi portée, choisissent de s’intéresser à l’occitan. Parce que l’idée les intéresse, parce qu’elle intéresse toujours plus de monde que l’on ne pense, parce qu’elle est un outil d’émancipation personnelle aussi, de construction.

Chaque génération met la musique occitane à sa sauce. Il suffit qu’elle rencontre un intérêt. C’est peut-être parce qu’elle porte des valeurs qu’elle renouvelle son public et attire de nouveaux artistes. 

Aujourd’hui, du rap à la musique contemporaine, l’occitan est présent. Sans trop mettre le mot sur la table parfois, presque de façon inconsciente. Mais il est là, il suffit juste de gratter.

Derrière tous les pessimismes et les vendeurs de fin du monde, l’engagement d’un Marti, il y a quarante ans, porte ses fruits. Et l’histoire continue, inéluctablement.


Cela dit, comment pourrait-on penser qu’à elle seule la musique résoudra les problématiques de la langue et de l’émancipation culturelle ? Nombre de musiciens sont d’ailleurs engagés au quotidien, dans un travail de médiation notamment, auprès des citoyens ou des politiques. Et du travail, en la matière, il y en a en France…

Réhabilitez la musique oc des années 70 !

Choisir cent disques dans cette anthologie n’a pas dû être facile. Il y a eu un véritable foisonnement…

C’est étonnant. Les disques des années 60/70/80, pas toujours achetés à l’époque, se négocient maintenant sur Internet. Il y a même une certaine spéculation.

Notre point de vue, à l’aune de la qualité artistique des artistes évoqués, et derrière l’exercice dicté par Le Mot et le Reste, c’était aussi de publier une porte d’entrée pour néophytes tout en facilitant la remontée de souvenirs aux connaisseurs et militants de la première heure. Nos critères sont là.

Derrière les débats d’idées, les histoires personnelles et les chapelles, c’est aussi très plaisant de rapprocher de façon cohérente tous ces gens de différentes générations et de différents milieux dans un même livre.

Des gens que l’on a, pour certains, croisés dans des contextes très différents les uns des autres. Mon souhait personnel, c’est de voir réhabilitée la production musicale des années 60/70.

Marti et sa génération ont ouvert une brèche, d’autres s’y sont engouffrés. La société a bien sûr sacrément changé. Mais le message est là. De plus, les premiers disques de Marti, Jacmelina, Perlinpinpin Folc ou Los deu Larvath ont sacrément bien vieillis. Et puis les Stones, j’ai toujours trouvé ça chiant…
L'ouvrage coûte 20€, une bonne entrée pour replacer les groupes actuels dans le contexte historique et artistique (photo XDR)
L'ouvrage coûte 20€, une bonne entrée pour replacer les groupes actuels dans le contexte historique et artistique (photo XDR)

Vendredi 16 Septembre 2016
Michel Neumuller




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Robert Lafont fut l'artisan principal du second risorgimento de la langue d'oc. Mistral avait lié le premier à la production d'œuvres littéraires prestigieuses et à l'unité latine, Lafont, avant et après 1968 associa ce second regain à la critique coloniale et à la situation sociale comme à une relecture de l'histoire. Pour autant son œuvre littéraire et théorique, riche et diverse, marque encore tous les domaines de la création d'òc. 

 



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