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Martiniquais bâillonné

Contrairement à la Corse, la cour administrative n'a pas reconnu à La Martinique que sa langue, le créole, soit co-officielle du français. Il y a dans ces arrêts une interprétation qui va toujours à l'interdiction. Il est donc temps de changer l'article constitutionnel qui sert de prétexte à ce bâillonnement.

Le Tribunal Administratif de Fort-de-France, Martinique, près d’un an et demi après, a annulé le 3 octobre dernier une délibération de 2023 faisant du créole la langue officielle du département, au côté du français.

 

Ainsi, une fois de plus l’article 2 de la Constitution sert à étrangler les volontés d’un pays aux réalités linguistiques et historiques particulières en matière de droit à sa langue.

 















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Sans accent à l’écran




Le soleil, la mer, la montagne, les aides...la Provence attire les cinéastes. Ceux qui veulent dépenser moins vont tourner en Pologne, et ceux qui veulent des paysages de qualité plantent leur caméra entre Drôme et Nice. 

La Provence plaît sur l'écran, le Provençal lui est mis hors champ

Une fois la TV allumée nous ne sommes donc pas dépaysés. Une application pour smartphone recense même 52 lieux de tournage en Provence Alpes Côte d’Azur en 2012.

On déroule le tapis rouge à certaines productions. Pour toutes sortes de raisons. Le Conseil Régional a même réussi  à ouvrir une ligne budgétaire pour aider spécifiquement les tournages « verts ». Pensez-y et, pendant le tournage, prenez votre café de préférence dans un gobelet recyclable lors des pauses ! Il y a un million d’€uros en 2012 pour les écologiquements corrects du 7è art en Provence.
Les paysages que l’on voit derrière les premiers rôles ont de la gueule, c’est certain.

Mais d’où vient que les rôles en question, leurs adjuvants et jusqu’au dernier des figurants qui traversent la rue à l’écran ne parlent jamais comme on parle ici ?

Si les paysages provençaux ont la côte, l’accent provençal, lui, fait toujours mauvais genre. Décidément invendable, il ferait fuir les spectateurs. Du moins les couples réalisateur-producteur doivent le penser. Même une série qui s’affiche marseillaise comme « Plus belle la vie » ne garde qu’un seul et heureusement indéboulonnable autochtone vocalement affiché.

On veut bien de la Provence, mais pas des Provençaux, en tout cas pas s’ils s’affirment comme tels par d’insortables signes, comme leur façon de parler.

De fil en aiguille mes pensées m’entraînent vers Marcel Pagnol, que j’ai beaucoup critiqué. Il était pour moi la quintessence du colonialisme intérieur intégré par le colonisé, renvoyant aux Français l’image qu’ils pouvaient accepter du Provençal typique. Ah ! la partie de carte…

Et pourtant, quoiqu’on en dise, l’homme avait créé un système dont le centre de gravité était Marseille. Les studios, les métiers, et les acteurs étaient et vivaient chez nous. Il convainquit Orane Demazis d’attraper l’accent du midi. Née à Oran et venue de Paris, ça n’était pas évident pour elle. Cependant elle est devenue pour nous un personnage légendaire parce que, pour devenir une grande actrice, elle n’a pas eu peur de salir ses cordes vocales avec le parler des croquants du Vieux Port.

En parlant d’acteur légendaire, qui n’aime pas Jean-Louis Trintignant ? Il a couvert mes années les plus cinéphiles de son air de doute avec l’intelligence de se mettre au service des meilleurs réalisateurs, de ceux qui avaient quelque chose à dire sur leur temps. A l’écouter je n’aurais pas deviné le Vauclusien. Et puis en 1984, chez le dentiste mes yeux sont tombés sur son interview, donnée à Témoignage Chrétien. « J’ai dû, pour jouer, faire ce qu’on exigeait de moi à Paris, perdre mon accent » regrettait-il.

Je dis que c’était une violence qu’on lui a faite, comme à beaucoup d’autres, plus anonymes, dont on a exigé qu’ils ne soient pas eux-mêmes, pour qu’ils soient quelqu’un.

Ce qui est étrange, c’est que les sociétés qui doublaient en français les comédies italiennes des années 1960-70, donnaient aux acteurs un accent vaguement italianisant qui pouvait s’apparenter au notre.

Cela ne leur posait aucun problème qu’Ugo Tognazzi ou Vittorio Gasman puissent parler comme à Nice ou Marseille. Mais quand un film était tourné à Nice ou Marseille, le même accent y était interdit de bande son.

Quand je zappe pour ne pas voir plus de trente secondes « Plus belle la vie », je pense un peu à tout ça, et me dis que rien ne change vraiment. On peut aimer la permanence des choses, bien sûr ; mais il y a des traditions que, moi, j’aimerais voir disparaître, comme la lapidation des blasphémateurs, ou   la norme non écrite qui interdit d’affirmer sa provençalité en parlant au cinéma et à la télévision.

Il y a tout de même des raisons d'espérer. Voyez les films de Christian Philibert (Les quatre saisons d'Espigoule ). Certes il est obligé de faire entendre sa petite voix (avec accent assumé, celle-ci!) par ses propres moyens. Pas de major pour le distribuer, lui... Mais il nous offre un regard sur la façon dont nous somes vus.

Si vous avez un moment mardi prochain, en soirée, essayez d'aller voir son enquête, bien documentée, aussi sobre qu'alerte. Elle est projetée avec débat lors d'une journée sur le développement durable des territoires de Provence Alpes Cote d'Azur, à l'Hôtel de Région à Marseille. le film s'appelle : "Le complexe du santon". Tout un programme.



Mercredi 5 Décembre 2012
Michel Neumuller





1.Posté par Tam le 05/12/2012 23:31
Pffff... Toujours les mêmes réflexions sur le cinéma et l'accent depuis Robert Lafont... Et encore pagnol comme l'affreux colonialiste... Quand on connait l'histoire du cinéma et la réception des films de pagnol a l'époque, je pense que c'est bien plus complexe que cela...

2.Posté par Yannick Chaumette le 06/12/2012 10:34
Eh non ! Rien ne change vraiment au pays de la liberté et des droits de l'Homme ! Feignants, galejeurs, vantards, siestards, volubiles, brassejeurs, sentant l'ail quand ils ouvrent la bouche pour parler avec un accent à s'estrasser de rire et dire des couillonnades, non vraiment la sympathique vision qu'ont de nous les Français d'en haut (de la carte) n'a pas vraiment évoluée.
Qu'avons nous fait pour la changer ? Pour affirmer et défendre une identité dont nous serions fiers, et une langue que nous continurions à pratiquer et transmettre au sein de nos familles ?
Oui. Qu'avons- nous tenté pour préserver notre culture, nous, en tant que "peuple" ? Pourquoi les militants de la langue et de la culture ont-ils si peu d'écho ?
Alors, que le mépris perdure puisqu'il ne gêne pas grand monde, n'est pas vraiment une surprise... Adessiatz en totei e ...longa mai !

3.Posté par josiane ubaud le 26/01/2013 10:13
Je fais partie de ces occitanistes traitres à la vulgate imposée qu'il fallait absolument bouffer du Pagnol pour être "progressiste" et bon militant. Que n'ai-je entendu comme catéchisme effrayant sur le sujet, renforcé d'anathèmes, excommunications, procès staliniens d'intention en tous genres ! Si des parisianistes (de Paris ou d'ailleurs) ont réduit Pagnol à des images qui les satisfaisaient, ce n'est pas la faute à Pagnol. Que des occitanistes, terroristes intellectuels en vue et leurs dévoués vicaires, aient cru bon d'emboîter le pas et jeter l'anathème (et sans avoir jamais vécu une minute à Marseille !), c'est consternant. Je suis marseillaise, d'un quartier populaire La Plaine, ayant un cabanon sur la Côte Bleue, et je le revendique : donc les scènes de cartes, de pétanques, les jeux de langage et de gestes, je connais à fond pour les avoir vécus au quotidien pendant des décennies. Mais réduire les films de Pagnol à la partie de cartes (que je trouve grandiose, parce que vécue, j'en demande pardon à deux genoux à nos Pol-Pot patentés) est une malhonnêteté supplémentaire. S'il est des gens qui ne comprennent pas le côté tragédie grecque de sa trilogie, ou le côté auto-dérision (qui demande de l'intelligence pour être compris...), qui sont insensibles à tous ses autres films tous plus humains les uns que les autres, avec des personnages et des scènes sublimes et tragiques (la mort de Panisse, Fernandel le bossu), qui sont tout sauf des images de colonisés, personnages qui ont de plus leur vrai accent, mon accent, je les plains profondément de passer à côté. S'ils manquent d'intelligence pour les comprendre, s'ils n'ont jamais vécu ces scènes, encore une fois ce n'est pas la faute à Pagnol. Ce sont eux qui ont un comportement de colonisés par réaction diglossique (linguistique et culturelle) au segond degré, alors qu'ils se croient fiers de leur culture : ils veulent absolument dénigrer/ignorer le réalisme des films de Pagnol en leur déniant leur véracité. Moi, je n'ai pas honte des films de Pagnol tant s'en manque, parce que c'est ce que j'ai vécu : seule la Oranne D. me donne des boutons et le Pierre F., justement parce qu'ils ont un faux-accent et qu'ils jouent faux. Et je dénie à quiconque le droit de m'intimer l'ordre d'en avoir honte. J'ai bien conscience que cela me vaudra sûrement quelques années de camp de redressement pour manquement grave à l'orthodoxie. En attendant l'internement, quand je tombe sur un C.. de "parisien" ou sur un C.. d'occitaniste (hélas, nous avons aussi nos pauvres d 'esprit), je démollis leur pseudo-argumentaire de "dans le Midi, tous des fainéants galéjeurs" ou de" tout est faux chez Pagnol et ça rabaisse le peuple" ou encore "il n'y a pas de travailleurs dans ses films (sic!!!)". Il me manque bien évidemment la place de le faire ici. Et pour avoir animé la discussion après la projection du film "Le complexe du santon" à Vaison, je témoigne qu'il est aussi, fort heureusement, des étrangers au midi qui n'ont jamais réduit Pagnol à la partie de cartes et comprennent l'immense richesse humaine de ses films, et des autochtones non colonisés qui n'en ont point honte (autres gibiers de camp d'internement). Ce sont tous les autres films qui ont fait des réductions honteuses : l'accent du Midi y est censuré, et toléré seulement pour jouer un truand, un joueur de boules, un concierge ou un tenancier de bar (et encore dans Plus belle la vie...), mais pas un magistrat, un professeur, un pharmacien.
En résumé, en tapant sur Pagnol, on se trompe radicalement d'ennemis. Et a contrario, il est aussi des pro-Pagnol bêtifiant-lénifiant, qui n'ont pas davantage compris que les précédents.

4.Posté par Joan-Glaudi PEYROLLE le 29/05/2019 03:24
Entièrement d'accord avec Josyane Ubaud. Et s'il fallait une preuve supplémentaire de l'occitanité profonde de l'ouvre de Marcel Pagnol c'est dans la trilogie "La fille du puisatier" (2011), "Marius" (2013), "Fanny"(2013), trilogie tournée (et magnifiquement jouée) par l'Avignonnais Daniel Auteuil (il a passé son enfance dans la Cité des Papes) qu'il faut la trouver. Ce grand acteur passait de l'autre côté de la caméra pour la première fois. Il l'a déclaré lui-même lors de la présentation de la Fille du Puisatier en avant-première au cinéma Cézanne d'Aix-en-Provence : s'il n'avait pas grandi dans le Comtat Venaissin, il n'aurait pas pu réaliser ce film.
Sauf qu'il n'y en aura pas un quatrième. Et pour cause : l'occitanité de Marcel Pagnol, jusque là enfouie et que Daniel Auteuil a fait resurgir, dérange. Ces trois films, s'ils ont su trouver leur public en DVD et à la Télévision (qui les rediffuse souvent) n'ont pas convaincu les producteurs. Or le cinéma, c'est d'abord une industrie dont le premier critère est le retour sur investissement. Et le public francophone, habitué à rire, à bon compte, des Provençaux (il ne faut jamais oublier que les pièces de Marcel Pagnol furent écrites, à l'origine, pour être simplement du théâtre de Boulevard. Marius, la toute première de ces comédies, a été représentée le 9 mars 1929 au « Théâtre de Paris », 15, rue Blanche, à mi-chemin entre les Folies Bergères et le Moulin Rouge : tout un programme !.
Le grand mérite de Daniel Auteuil est d'avoir su retrouver, derrière l'accent du Midi, qui avait fait tordre de rire la France entière dans les années 1930, la phonologie et le lexique d'une langue occitane qui, à la différence de la langue française, la moins latine des langues romanes, continue à véhiculer le génie de l'Homme d'Oc. Or ce génie c'est de continuer à s'exprimer par images, c'est-à-dire par symboles, là où la langue française, complètement cartésianisée, ne sait plus s'exprimer que par concepts…

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