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On achève bien les enseignements


La réforme des lycées fait des victimes, les enseignements de langues régionales au premier plan. Jugés inutiles par le ministère, les cours d’occitan-langue d’oc vont ils disparaître sans autre forme de procès ? Les enseignants tentent de s’organiser.



Le recteur d'Académie d'Aix-Marseille n'entend pas parler provençal sur les marchés, il doute donc de l'utilité de l'enseigner, et organise sa décrue (photo MN)
Le recteur d'Académie d'Aix-Marseille n'entend pas parler provençal sur les marchés, il doute donc de l'utilité de l'enseigner, et organise sa décrue (photo MN)
« Dans le cadre de la réforme du lycée, dite Blanquer, du nom du ministre, le rectorat impose la fermeture de l’enseignement du provençal au Lycée Victor Hugo de Carpentras. »

L’alerte a été donnée voici une bonne semaine par un des deux enseignants concernés. La ville du Vaucluse abrite deux lycées. Et la réforme en cours, dite réforme Blanquer, livre pas bribes violentes son étendue. Dessin, latin…il ne fait pas bon enseigner une matière considérée comme inutile par le ministère. L’occitan en fait partie.

Et à Carpentras (84) d’un coup la guillotine tombe : seul l’autre lycée, Fabre, préparerait les élèves au baccalauréat, épreuve d’occitan-langue d’oc.

« Dans les faits, nos lycéens de Victor Hugo devraient aller au lycée Fabre pour bénéficier d’un cours de provençal » reprend l’enseignante. « Oui, mais voilà, c’est à deux kms, aucun service d’autobus n’est prévu, et pour raisons de sécurité le principal ne laissera pas sortir les élèves pour qu’ils y aillent à pieds ».

Résultat prévisible, le lycée Fabre, ne pouvant accueillir les élèves du Victor Hugo, l’effectif du cours de langue d’oc y restera maigre ; le Rectorat aura bientôt beau jeu de l’effacer des enseignements proposés dans l’établissement.

Lors des Conseils Académiques de la Langue Régionale, le recteur de l’Académie d’Aix-Marseille, Bernard Beignier, ne manquait pas une occasion de rappeler qu’il avait appris l’occitan lors de ces études toulousaines.

Ces jours-ci, sur l’antenne France Bleu Vaucluse, il n’en affirmait pas moins : « ça fait quatre ans que je suis devenu, et pour mon plus grand plaisir, un provençal d'élection ; je dois avouer que je n'ai jamais entendu une seule fois parler provençal dans la rue ou sur un marché ».

Si on ne l'entend pas sur les marchés pourquoi l'enseigner ?

Collégiens en 2014. La réforme frappera dur l'an d'après, aujourd'hui la décrue des effectifs lycéens suit logiquement (photo MN)
Collégiens en 2014. La réforme frappera dur l'an d'après, aujourd'hui la décrue des effectifs lycéens suit logiquement (photo MN)
Vous dissertez habituellement sur les équations à deux inconnues avec la caissière de votre supermarché ?  Non ! Alors interrogeons-nous : l’enseignement des mathématiques est-il justifié ?

Car les critères du recteur d’Académie ne semblent pas dépasser ce registre argumentaire : « il faut être très clair : si on veut enseigner le provençal comme une langue que l'on utilise couramment, on peut quand même s'interroger » poursuivait-il en effet sur la même antenne. C'est aussi le cas du chinois mandarin, la langue qui monte dans l'enseignement.

« Je veux bien que le provençal ne s’entende pas beaucoup dans l’espace public, mais l’une des raisons c’est la honte de leur langue qu’a instillée l’Education Nationale au cours des décennies, et  M. Beignier reste dans cette logique » commente Bernat Vaton, fondateur de l’école en immersion d’Orange, la Calandreta. « D’autre part, je peux conseiller au recteur de se rendre sur les marché à la truffe de Richerenches ; il y entendra peut-être « cette rabasse, tu l’as cavée au picolon ? » ou lui parlera-t-on du « cadèu » de tel « rabaillaire ». Lorsque l’activité reste vive et qu’elle est traditionnelle, le vocabulaire va avec, et les gens l’utilisent ».
 
Mais cette richesse culturelle et linguistique, comme l’apprentissage du respect de la différence, tout cela ne résiste pas aux réformes successives qui affectent toujours plus l’enseignement de la langue d’oc. La réforme des collèges de 2015 avait déjà asséché les cours de sixième.

Elle avait permis aux chefs d’établissements de balayer cette matière, quand ils estimaient que les effectifs n’étaient pas assez importants. Logiquement, trois ans plus tard, la source collégienne tarie, ce sont les effectifs des lycées qui pâtissent.

Encore un léger sursaut est-il observable dans l’Académie d’Aix-Marseille, où en 2017,  24 lycées proposaient un cours de provençal à 846 élèves, au lieu des 837 de 2014 ; alors qu’entre ces deux années, l’effectif collégien avait, lui, perdu 500 élèves, passant de 2735 à 2200, dans 31 collèges au lieu de 37.

Une première, les enseignants Provençaux dépassent les clivages et se réunissent

Le bac réformé ne laisse que peu de points aux matières optionnelles (photo MN)
Le bac réformé ne laisse que peu de points aux matières optionnelles (photo MN)
Dans l’Académie de Toulouse, les bruits se font insistants : « le Rectorat nous ôterait les moyens spécifiques dont bénéficiaient les cours d’occitan », dénoncent certains acteurs sur les réseaux sociaux ; ces dotations horaires préservées pour raison de « langues en danger » pouvaient ici et là aider à maintenir un cours. Elles ont déjà disparu dans l’Académie d’Aix-Marseille. A Toulouse, donc, le Centre Régional d'Etudes Occitanes (Creo ) a déjà organisé une manifestation plutôt réussie malgré la pluie mercredi.

L’occitan n’est pas effacé seul, les langues rares et d’autres matières, jugées par le ministère inutile à la formation, l’accompagnent à la poubelle éducative.

Mais, si les épreuves facultatives de latin ou grec semblent maintenues, il n’en va pas de même pour l’occitan. Les épreuves, de toutes manières, devraient laisser place bientôt à un contrôle continu, mais dans ce cadre que vaudra la langue régionale ? Selon les enseignants que nous interrogeons, ce serait de 1 à 5% de la note finale. Rien de moins attractif pour le candidat qui doit choisir une matière de trois heures hebdomadaires, quand elle est proposée.

Le coup porté est si rude qu’il génère des réactions jamais vues dans l’Académie provençale : voici une dizaine de jours les deux tiers des 25 professeurs certifiés d’occitan-langue d’oc de l’Académie d’Aix-Marseille se réunissaient à Avignon.

Jusqu’à présent, les lignes de fractures (graphie, influence d'un groupe ultra excluant) étaient plus fortes que la nécessité de sauver la matière. L’ex conseiller du Recteur, aujourd’hui retraité, était également craint par une partie des enseignants qui lui prêtaient la faculté de décider de leur affectation.

L’inertie qui en résultait semble avoir vécu, sous la pression des événements. Car la réforme frappe sans distinction les enseignants ; c'est la matière qu'il s'agit de faire disparaître. D’où un nouveau souhait de « faire quelque chose », ensemble. Oui mais quoi ? Pour l’heure, rien.

Une communauté éducative à rassembler

Bernat Vaton, le fondateur de la Calandreta d'Orange : "ce que craint l'administration, c'est le bruit, alors faisons en !" (photo MN)
Bernat Vaton, le fondateur de la Calandreta d'Orange : "ce que craint l'administration, c'est le bruit, alors faisons en !" (photo MN)
C’est que le coup est très rude. Les enseignants pouvaient croire aux paroles de campagne du candidat Macron : « nous allons pérenniser ces enseignements » ; ou miser sur l’inutile article 75-1 de la Constitution du Peuple Français : « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » ; ou encore sur la Charte des droits de l’enfant, signée en 1989 par la France, moins un article, celui sur le droit de recevoir un enseignement dans la langue du territoire.

Peu à peu les défenseurs de l’enseignement de la langue régionale vont chercher les moyens d’une riposte. Les professeurs de provençal et alpin se sont au moins rencontrés, c’était pratiquement inédit. L’Association pour l’enseignement de la langue d’Oc (Aeloc), que boudent la plupart, discute ces jours-ci de la situation, et bientôt la Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Oc (Felco) à laquelle adhère l’Aeloc, fera remonter au ministère les doléances de tous.

Mais « sans rechercher la coordination entre tous les publics de l’enseignement, du prof au parent d’élève, que peut-on espérer ? L’administration craint par-dessus-tout le bruit. Il faut aller ensemble voir nos députés ! » estime encore Bernat Vaton.

A voir comment les enseignants  de langue d’oc, promis par l’Etat au rebut, réagiront ? Et comment ils seront soutenus par une invisible communauté éducative qui, les premiers peuvent l’espérer, existe et se manifestera.

Mercredi 30 Janvier 2019
Michel Neumuller





1.Posté par Lions le 31/01/2019 17:36
Bonjour.
Malheureusement, la seule chose que j'ai pu faire, c'est de me plaindre sur le cahier de doléances de la mal-considération de l'État vis à vis de la culture propre à chaque région et de leur langue propre.

Quant au recteur d'Académie, a-t-il quelque chose qui puisse le rattacher à la Provence ?
Cdt

2.Posté par Niggeler Henri le 31/01/2019 20:14
Me référant à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, du Conseil de l'Europe, conclue à Strasbourg en 1992 et ratifiée par la Suisse en 1997, entrée en vigueur le 1er avril 1998, le Conseil fédéral a approuvé le vendredi 7 décembre dernier (2018), le 7ème rapport de la Suisse du Rapport périodique relatif à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Le Comité des Ministres recommande que les autorités suisses reconnaissent le francoprovençal en tant que langue régionale ou minoritaire d'usage traditionnel en Suisse et appliquent à cette langue les dispositions de la Partie II, en coopération avec les locuteurs.
Pour préparer la réponse à cette recommandation, l'instance fédérale responsable pour la coordination pur la mise en œuvre de la Charte en Suisse (Office Fédéral de la Culture), a rencontré les autorités cantonales concernées (les cantons de Fribourg, du Jura, du Valais et de Vaud) dans le cadre de plusieurs séances de travail. Ce processus a permis de consolider les discussions en vue d'une décision au niveau politique. Le territoire historique d'usage du francopovençal concerne l'ensemble des cantons francophones, à l'exception du canton du Jura, dans lequel est en usage le franc-comtois, non visé par la recommandation du Comité des Ministres, mais pris en compte par la Constitution cantonale jurassienne.
Les locuteurs du francoprovençal ont également été impliqué dans ce processus, notamment dans le cadre d'un colloque sur les patois romands, organisé en septembre 2017, par le Centre de dialectologie de l'Université de Neuchâtel et du Glossaire des Patois de la Suisse Romande, à l'occasion de la Fête Romande et Interrégionale ces Patoisants d'Yverdon-les-Bains.
Sur cette base, la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) a formulé une prise de position, lors de sa séance du 13 septembre 2018, qui préavis favorablement à l'acceptation par le Conseil fédéral de la recommandation présentée du Conseil de l'Europe.

"- Nous somme très heureux des décisions prises en la circonstance, mais en regard du faible nombre de locuteurs des patois régionaux de notre Suisse romande, je suis outré de lire les brimades linguistiques que subissent actuellement et toujours les locuteurs, proportionnellement très supérieurs en nombre, des pays de Langue d'Oc."

Voici maintenant 160 ans, pour le Beau Jour de la Chandeleur, le Maître de Maillane écrivait:

- [...] Vole qu’en glòri fugue aussado
Coume uno rèino, e caressado
Pèr nosto lengo mespresado,
Car cantan que pèr vautre, o pastre e gènt di mas! [...] -

Mirèio (cant proumié)

-
Henri Niggeler
Association vaudoise des Amis du patois
Sòci dóu Felibrige e de La Nacioun Gardiano

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