Vous enseigniez ? Et bien chantez maintenant !...


Le colloque bisannuel de l’Aeloc était consacré aux rapports entre l’enseignement et la chanson en occitan samedi 14 novembre. Quand l’enseignant accroche mieux l’élève grâce aux croches.



Avec des moyens conséquents, musique et langue régionale deviennent vecteurs de créativité, et là dessus le consensus école-artistes est établi (photo MN)
« Mettre en contact jeunesse, musique et langue du pays ne peut que produire de la fierté culturelle » souligne le chanteur Manu Theron ; « c’est ce qui permet de rassembler une génération mais nous ne pouvons apporter en ce sens que ce que nous permettent nos compétences ! Je suis artiste, je peux relever le niveau d’exigence artistique dans un projet scolaire, mais c’est le pédagogue qui a la clef dans ce domaine ».
 
Le couple enseignant-artiste, tous ont appelé à sa valorisation, au cours d’une table ronde sur « La chanson occitane et l’enseignement » qu’a provoquée à Eygalières l’Association pour l’Enseignement de la Langue d’Oc, le 14 novembre dernier.
 
« C’est une façon de développer avec tranquillité le potentiel créatif des élèves » soutient de son côté Camille Martel. Lui-même  musicien et journaliste, intervient en Languedoc Roussillon en classes primaires et en collèges. « Nous créons des raps. Donc nous travaillons sur le rythme et sur la parole. Et au fil de nos échanges, les élèves en viennent à trouver leur propre rythme, leurs paroles personnelles en accord avec celui-ci ».

"Les élèves, sur un pied d'égalité, doivent pouvoir tout oser"

Le chanteur Manu Theron : "Tout enfant naissant en Provence devrait pouvoir bénéficier de ce rapport valorisant entre école, musique et langue du pays" (photo MN)
Mais cet occitan que Sylvain Chabaud (Mauresca Fracàs Dub) valorise aussi dans les classes lycéennes en Languedoc, « est un moyen pour favoriser l’égalité ». Etonnant ! « Mais oui ! ce n’est pas leur langue première aujourd’hui. Les voici donc tous sur un pied d’égalité, au plan de la compétence. A partir de là, ils peuvent tout oser, et prendre conscience qu’ils peuvent créer quelque chose dans une langue qui n’est pas maternelle ».
 
L’occitan chanté à l’école, une expérience qui mérite d’être tentée, c’est certain, disent tous les participants à la table ronde, modérée par la chanteuse Lisa. Mais cela ne suffit pas à Manu Theron. « Cette expérience devrait être partagée par chacun des enfants qui naissent en Provence. On en est loin, et pour y arriver il faut des moyens plus importants ».
 
Or ces moyens existent…mais en Languedoc Roussillon, « où le Conseil Régional a ouvert une ligne budgétaire conséquente pour permettre à l’artiste d’entrer au lycée et y mener des projets. » Lui-même pratique régulièrement l’exercice depuis une quinzaine d’années.

La Région Languedoc et le Conseil Départemental du 13 font entrer l'artiste à l'école

Sylvain Chabaud. "On ne devrait pas priver plus longtemps les élèves de cette possibilité créatrice que recèle le fait de chanter dans cette langue qui, n'étant plus première, les met tous sur un pied d'égalité et les tranquillise pour créer" (photo MN)
Si le Conseil Régional Provence n’a jamais eu que des velléités en la matière, le Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône a, lui, ouvert les collèges à l’expérience depuis 2010. Nous avons demandé au chargé de projets Patrici Gauthier ce qu’il en était.
 
« Nous avons cherché un relais capable de garantir une qualité artistique, un rôle que joue l’association Arts et Musiques, qui s’adresse en particulier à André Gabriel. Gaël Hemery et Guilaine Renaud notamment ont participé à ces animations musicales avec des projets originaux, comme la conteuse Marie Ricard et cette année, c’est un luthier qui va initier des collégiens à la fabrication d’instruments traditionnels ».
 
Plus jeunes, les élèves ont, toujours dans les Bouches-du-Rhône, l’occasion de participer à un projet d’ampleur, les Cantejadas. « La préparation reste légère, car nous n’avons pas les moyens d’organiser rencontres entre enseignants et répétition générale avec 500 élèves » explique Gilles Maille.
 
Le conseiller pédagogique Musique de l’Académie d’Aix-Marseille dans les Bouches-du-Rhône brossera rapidement l’expérience.

"Chacun son métier, mais coopérer enrichit tout le monde"

Magali Bizot : "si tes élèves ne t'écoutent pas quand tu le dis, chante le !" (photo MN)
Les Cantejadas, un ensemble de chants en provençal ponctuant un conte original, est l’occasion de créer diverses compositions, et de reprendre en chœur des chants, traditionnels ou non. « La classe de musique moderne du Conservatoire d’Aix nous a apporté son concours, et nous mobilisons les compositions de Manu Theron et Miqueu Montanaro avec celles d’autres artistes. En 2015 c’était particulièrement « rock » avec beaucoup d’énergie. »
 
Une énergie communicative. En 2016 environ 600 élèves des Alpes-de-Haute-Provence vont à leur tour organiser des Cantejadas à Digne.
 
Mais si, pour l’artiste, la confrontation avec les classes apprend beaucoup de choses sur la pédagogie, dixit Manu Theron, « Il faut être conscient que chacun a son métier, on ne peut enseigner la musique à la place d’un enseignant de musique »…
 
Ceci-dit, pour l’enseignant, chanter n’est pas anodin. Laissons à Magali Bizot les mots de la fin. « Jeune enseignante, je n’arrivais pas à capter l’attention de mes élèves » se souvient la chanteuse de Misè Babilha. « Alors j’ai chanté, et ça a marché, mes élèves ont accroché et l’échange a commencé ! C’est une manière de communiquer. Si, en le disant, ça coince, alors chantez-le… »

Mercredi 18 Novembre 2015
Michel Neumuller