Après deux ans d’un hiatus pandémique que l’on ne connaît que trop, les adhérents du Forum d’Oc se sont enfin réunis à Toulon, « dans l’unique théâtre qui fut créé pour défendre l’occitan, une aventure qui dure depuis cinquante ans » a rappelé l’homme de théâtre Andrieu Neyton, en accueillant la centaine de personnes qui avaient un programme chargé à discuter dans ce Théâtre Comedia.
Un programme durant lequel, annonçait le président Guy Revest, la déléguée régionale à la Langue et aux traditions régionales, Virginie Pin, s’adresserait au public en visio intervention.
Et le même de rappeler que les restrictions sanitaires n’avaient pas empêché le Forum d’Oc de gagner de nouveaux adhérents : « depuis notre création en 2014 nous en avons multiplié le nombre par six », avec un bond significatif en 2021, année de la Loi Molac. Et, en effet, l’action prosélyte est méritoire, qui permet d’annoncer le nombre de ces adhérents : 573 membres, dont 40 entreprises, 55 communes, deux Départements, 25 artistes, 75 responsables culturels, 164 associations et enfin 215 élu.e.s.
« Accroitre ce nombre est une préoccupation constante et particulièrement les entreprises et les collectivités, pour lesquelles nous avons lancé une nouvelle campagne avec des documentations dédiées, et pour celle-ci nous employons un chargé de mission ».
Et le président Revest d’annoncer un Congrès du Forum d’Oc en Avignon en 2023, mais déjà un premier, à l’automne 2022, dans le pays d’Aix, celui-ci consacré au thème de la langue régionale et de l’environnement. La cible en sera les Parcs Naturels Régionaux, à l’image de celui de la Sainte-Baume qui propose des documents et des animations en provençal.
Le Forum met également toute son énergie à proposer aux deux Rectorats de la Région tout ce qui peut favoriser l’enseignement de la langue d’oc, « et à combattre les décisions néfastes d’un ministère qui ne nous est pas favorable ». A titre d’exemple, le Forum a monté en Vaucluse une action d’initiation à la langue dans les classes élémentaires, faisant appel à deux artistes.
Car l’enseignement des langues régionales est une priorité pour le Forum d’Oc, et la perspective des élections, présidentielle et législatives du printemps prochain, a imposé en quelque sorte les thèmes de l’activité de cette « association d’associations » qui rassemble les énergies d’entités diverses, locales comme thématiques : il s’agit pour elles désormais de s’entendre sur un type d’interventions à mener auprès des candidats. Car la Loi Molac, votée au printemps dernier, a ouvert des perspectives pour l'enseignement des langues dites régionales. Toutes les assemblées peuvent contribuer à concrétiser ces ouvertures. On pense notamment à la perspective de conventions régionales avec les Rectorats, qui organiseraient cet enseignement de la langue régionale, formation des maîtres comprise. Encore faut-il bouger pour cela les Rectorats, avec le concours des Régions, et aider celles ci avec de nouvelles initiatives législatives.
Dans ce cadre le Forum avait invité le journaliste de l’Express Michel Feltin-Palas, a imaginer un ensemble de questions à l’attention des candidats, que le rédacteur de la populaire lettre hebdomadaire Sur le bout des langues, avait voulu « réalistes ».
Nos lecteurs se référeront à la diapositive qui accompagnait l’intervention de Michel Feltin-Palas pour embrasser l’ensemble des thèmes abordés. Mais sachez que les plus saillantes questions concernaient la libération de l’enseignement des langues dites régionales, trop corsetées et disposant de moyens trop indigents à l’heure actuelle, le développement de médias audiovisuels publics en langues régionales, et la fin des discriminations, en particulier basées sur l’accent… impossible en effet, à l’heure ou le CSA veille au respect de la diversité visible, d’introduire la diversité audible dans les médias d’audience nationale.
Il faut noter la bonne volonté affichée par l’élue régionale, vice présidente du Conseil Régional Virginie Pin, déléguée à l’Art de vivre en Provence, au Patrimoine et aux Traditions, invitée à s’exprimer depuis Paris où son activité d’élue l’avait retenue. A 800 km de Toulon elle a donc précisé aux participants que le budget de sa délégation était en 2022 de 1,3 M€ en fonctionnement, et surtout réaffirmé que sa collectivité entendait « rassembler les énergies qui œuvrent en région pour la promotion de sa langue originelle »… et considère « le Forum d’Oc comme un outil essentiel pour la politique de promotion et de valorisation de la langue régionale ». Il ne reste qu’à espérer des actions concrètes et des prises de positions politiques de sa part, en particulier en direction des Rectorats, sensés travailler une convention avec la Région.
L’intervention, elle aussi à distance, du député breton Paul Molac (Libertés et Territoires) était attendue. Rompu au gymkana d’endurance législatif il a su proposer en pratique un projet de loi favorable à l’enseignement des langues dites régionales. Surtout, fait significatif, il a su réunir une large majorité pour ce projet de loi, y compris des députés de la majorité présidentielle. Ces derniers ont osé, pour l’occasion, voter contre leur ministre. « Il nous faut saisir ce moment pour créer un mouvement d’opinion, en s’adressant aux élus locaux comme aux syndicats qui se demandent bien pourquoi on refuserait ce droit d’enseigner les langues dites régionales » recommande le député.
Hélas, l'application de l’article fondamental de la Loi, qui pose comme principe que chaque élève a droit à cet enseignement souffre de l’absence de volonté d’organiser de la part du gouvernement. En effet ont souligné plusieurs adhérents du Forum, sans moyens la loi resterait lettre morte.
Le député breton en convient, évidemment, « sans formation des enseignants, comment maitriseraient-ils la langue qu’ils enseigneront ? Et sans postes suffisants au Capes de langue régionale comment satisfaire à la généralisation de cet enseignement là où il devrait être proposé » ?
Au point où nous en sommes – avec un mouvement d’opinion en faveur de ces langues et une loi votée et adoptée mais un statisme absolu de l’administration scolaire – que faire ? « Compter sur la demande sociale, celle des parents, de certains syndicats, et avoir l’opinion publique avec vous c’est important ! … ce qui est tout aussi important c’est que nous ayons le même discours, les mêmes demandes, afin de ne pas prêter le flanc à une administration qui s’engouffrerait dans la moindre dissension. A cet égard l’entente au sein de Pour Que Vivent Nos Langues est essentielle ».
Le regroupement des défenseurs français des langues régionales, qui a pu mobiliser dans la rue jusqu’à deux cent mille personnes, est en effet un outil efficace tant qu’il est capable d’offrir un ensemble de revendications concertées et donc unitaires, face au gouvernement. PQVNL d’ailleurs a lui même mis au point ses propres questions aux candidats des législatives prochaines, sans doute moins clivantes que celles annoncées par Michel Feltin-Palas, mais – c’est sûrement le pari de PQVNL, susceptibles de rassembler plus d’assentiments de la part des futurs députés et plus largement d’une part importante du personnel politique.
Stratégie, stratégie… Le Forum d’Oc comme PQVNL semble avoir saisi ce moment particulier où l’enseignement des langues régionales a réuni une majorité de Français, pour leur gagner des droits par un mouvement qui, la plupart du temps, aura avancé à bas bruit jusqu’au moment crucial des élections.
Le Conseil Constitutionnel se base sur l’article 2 de la Constitution pour dire inconstitutionnel l’article 4 de la loi Molac, celui sur l’enseignement immersif à l’école publique. Ton sentiment ?
Cette affaire contribue à clore une époque que je souhaite révolue : celle durant laquelle nous disions “aimez nous et acceptez que nous transmettions notre langue car elle est belle et mérite de vivre”. De mon point de vue nous entrons dans l’ère de la revendication des droits humains. Les droits linguistiques sont reconnus internationalement, et la France les reconnait même, ailleurs. Alors ne soyons pas aliénés, réclamons nos droits, celui à parler et à enseigner notre langue autochtone. Changeons de paradigme.
Tu parles de “langues autochtones” là où la loi Molac précise “langues régionales”.
Langue “régionale” suppose un lien hiérarchique entre Paris et Province, minoritaire un état d’infériorité par rapport au majoritaire. Nos langues correspondent à un territoire et à sa population. Elles sont autochtones, c’est d’ailleurs ainsi que les nomme l’ONU.
Le point 19 de l’avis du Conseil Constitutionnel critique le fait que la langue régionale soit – je cite - “langue de communication au sein d’un établissement”, non seulement langue enseignée mais aussi langue employée hors cours.
C’est un aspect très intéressant de la décision puisqu’ici le Conseil Constitutionnel nie le droit d’une population à utiiliser sa langue. Le Conseil Constitutionnel finalement interdit l’usage de nos langues y compris hors temps d’enseignement. Cela va au delà de son utilisation dans le cadre scolaire. Il s’agit, j’insiste, d’une interdiction à parler sa langue.
Mesurons bien la chose. Si je parle occitan dans un groupe, un ou l’autre de mes interlocuteurs s’en offusquera, mais je ne serai pas entendu si je prétend qu’on m’a interdit de parler occitan. Mais ici c’est clair, si le Conseil Constitutionnel juge qu’il est inaproprié de parler occitan dans la cour de récréation ou dans un couloir de l’école, personne ne peut plus nier que l’Etat interdit la pratique de la langue elle-même ! Tout dramatique que nous apparaisse cet avis, au moins il met concrètement en œuvre une interdiction de la pratique de la langue, ce faisant il clarifie le caractère anti-démocratique de l’Etat. Nos droits humains, j’insiste, sont niés.
La loi Molac a été adoptée par l’Assemblée Nationale à l’issue d’un processus complexe de plus d’un an, durant lequel le savoir faire du député a compté. En 2022, élection présidentielle et légistatives obligent la fenêtre se referme. Comment lutter dès-lors pour ce “droit humain ?”
On ne commence pas un combat en se demandant quand on le perdra. Déjà ce qui peut passer pour une défaite nous a fait gagner sur un plan : jamais encore nous n’avions lu des articles sur le sujet dans l’ensemble de la presse française, qu’elle soit régionale ou nationale. En deux semaines des dizaines de journalistes qui ne comprenaient rien à ce thème ont progressé comme jamais et peuvent en parler à leur public, intelligemment. C’est énorme. Basons nous là-dessus pour faire appel au civisme et tout simplement au respect des droits humains. Nous n’avons pas perdu. Nous avons gagné l’écoute nécessaire à obtenir le respect de nos droits humains.
Si à Guingamp, Cotes d’Armor, le 29 mai l’arrivée de la Course pour la langue bretonne sera l’occasion de manifester pour la promulgation de la Loi Molac de Protection des langues régionales, peu d’autres lieux sont encore connus pour cet ensemble de rassemblements régionalistes, qui doivent couvrir tout l’hexagone.
“Honnêtement ce n’est pas très grave, car avant le 10 octobre 2020 nous étions dans la même situation, et vous avez vu comment ça a d’un coup évolué”. L’attachée parlementaire du député européen François Alfonsi, Claire Gago-Chidaine, faisait référence, au cours d’un point de presse, mardi, à la grosse centaine de rassemblements qui partout en France ont crédibilisé le projet de loi du député (Libertés et Territoires) Paul Molac. Il y eut autant d’articles de presse, un peu d’affolement dans les médias parisiens, et les élus locaux se mirent à voir d’un autre œil ces hurluberlus qui voulait favoriser l’enseignement des langues dites de France.
Pour Que Vivent Nos Langues, le collectif d’associations né à l’automne 2019, avec l’ensemble des promoteurs des langues régionales, avait réussi une mobilisation sans précédent, parce que justement couvrant l’ensemble du territoire.
La Loi Molac a eu le succès qu’on sait le 8 avril dernier, recueillant après un an et plus de cheminement législatif, une large majorité à l’Assemblée Nationale, transgressant les familles politiques, au grand dam du ministre de l’Enseignement, Jean-Michel Blanquer. C’est toutefois du cabinet de ce dernier qu’a été alors rédigée une saisine du Conseil Constitutionnel. Elle doit donner lieu ces jours-ci à un avis.
Or, instruits par une longue histoire linguicide de l’Etat en France, PQVNL a pris les devants en demandant à tous de réserver le samedi 29 mai pour des manifestations. C’est que le Conseil Constitutionnel doit rendre son avis en constitutionnalité pour, au plus tard, le 22 mai.
Et si cet avis était d’aventure favorable à la loi, la promulgation de celle-ci ne serait encore pourtant qu’une étape parmi d’autres, pour Jean-Paul Couché, le président de l’ANVT flamande (Akademie voor Nuuze Vlaemsche Taele) : “nous voulons être assurés que les rectorats admettrons les projets d’enseignement bilingue qui n’attendent plus que la légalité pour naître la prochaine rentrée scolaire ; celle-ci exige de la préparation, nous ne voulons pas qu’elle soit un désastre”.
Aussi le monde des défenseurs des langues minoritaires de France, en premier lieu dans l’enseignement, font-ils de ce 29 mai, une date importante de mobilisation. Martine Ralu (Òc-bi, parents d’élèves de l’enseignement bilingue occitan-français dans le public) peut déjà annoncer une dizaine de rassemblements, devant autant d’écoles, dont deux calandretas, en Nouvelle Aquitaine. A Nice et Albi des rassemblements sont prévus ajoute Marie-Jeanne Verny, la secrétaire de la Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Oc.
Ailleurs ? Eh! Bien, les premières initiatives connues entraineront les autres, tout comme en septembre et octobre 2020, quand malgré la pandémie, les préfectures et rectorats du pays s’étaient égayés de banderoles annonçant “Pour que vivent nos langues”.
D’autant, ont souligné divers participants au point de presse, que la période électorale pour les Régionales mettra sur le qui vive, certes les militants, mais aussi bien des candidats.
C’est une des surprises liées à la loi Molac et aux péripéties de son adoption, l’ensemble de la presse française, tant nationale comme régionale, a affiché le thème du droit à sa langue comme jamais.
Dins sa cronica istorica venènta, l'istorian Felip Martel reflexiona en vivarò aupenc que "çò que manca au nivèu nacionau, es tot simplament una reflexion sus çò que son las lengas de França e cò que poion adurre a la cultura nacionala. En defòra de l’idèia pigra que tot aquò es de « patrimòni »
Fa lo còmpte de totei lei lèis - o puslèu leis assais de lèis - que volian faire intrar lei lengas de França dins la normalitat educativa au país de la lenga unica. Una tiera de reviradas fins qu'au 8 d'abriu passat.
Setanta ans despuei la Lèi Deixonne, l'unica que posquèt finalament èstre votada.
E per aquela, rementarem l'estudi, la tèsi de Ian Lespoux.
L'istòria nos ajuda a chifrar present e futur.
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De la loi loi nº 2548 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, désormais connue sous le nom de son promoteur, Paul Molac, nous avons surtout retenu les articles permettant de renforcer l’enseignement bilingue dans les établissements publics.
Cependant s'il est un aspect de la promotion des langues minoritaires qui a été négligé par les commentateurs, c’est celui de la signalétique bilingue. C’est un tort car cette possibilité, enfin débarrassée des attaques imbéciles de soi-disant libres penseurs, fera évoluer les mentalités de nos concitoyens, à qui sera rappelée aisément la fierté de leur terroir.
Désormais dans son article 8 la loi Molac précise ainsi que :
Sur proposition des régions, de la collectivité de Corse ou des collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, par voie conventionnelle ou contractuelle, les services publics peuvent assurer sur tout ou partie de leur territoire l’affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation, sur les voies navigables, dans les infrastructures de transport ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle, à l’occasion de leur installation ou de leur renouvellement.
Souvenons nous de cette lamentable affaire qui, dans la petite localité de Vilanòva de Magalona, en 2011-2012, avait su mobiliser largement les défenseurs de l’identité occitane, malmenés par un de ces experts de l’empêchement de respirer, plus à l’aise dans les dédales de l’appareil judiciaire que dans sa propre culture, niée, et surtout niée à ses concitoyens.
Attaquée en justice par un individu parce que les panneaux d’entrée et de sortie de ville étaient rédigés, outre en français, en occitan, le Tribunal Administratif de Montpellier avait jugé la plainte recevable, et débouté la commune, pendant que des inconnus déboulonnaient les panneaux en pleine nuit. Le maire, Noël Segura, les faisait reposer à l’identique, et peu après le Tribunal administratif de Marseille cette fois, en appel déboutait le plaignant. Vilanòva pouvait enfin choisir de décliner son nom dans la langue du pays.
Pourtant le risque de voir nier son identité linguistique restait. A preuve en 2019 c’était cette fois le Conseil Départemental de Vaucluse qui demandait à plusieurs communes de retirer leurs panneaux bilingues. Un technicien zélé s’était avisé que ceux-ci faisait courir un risque juridique aux collectivités.
La loi de 1994 relative à l’emploi de la langue française permettait pourtant aux collectivités d’afficher leur nom en langue régionale, mais les empêcheurs de vivre votre culture sont malins. Dans le cas de Vilanòva, c’était le risque encouru de se perdre par non compréhension du panneau, qui avait entrainé la décision, alors même que le nom français de la commune était aussi visible qu’un éléphant dans un couloir.
Et une loi sénatoriale adoptée en 2011 n’y changea rien, bien qu’elle précise ainsi «Les panneaux réglementaires d’entrée et de sortie d’agglomération apposés en langue française sur la voie publique peuvent être complétés du nom de cette agglomération en langue régionale.»
La loi Molac vient donc renforcer l’acception, par les tribunaux, des choix de maires qui nomment leur commune en occitan, breton, basque etc. Et elle fera perdre leur argent aux fâcheux qui haïssent la diversité.
Et c’est heureux, car si le renforcement de l’enseignement bilingue dans l’école publique est une excellente perspective, on doit reconnaitre qu’actuellement elle concerne une part infinitésimale des élèves d’entre Bordeaux et Menton. A peine 3% des élèves du premier degré dans les Bouches-du-Rhône, de loin le département le plus avancé dans ce domaine, reçoivent un enseignement de provençal durant quelques heures par semaine. Moins de 500 vont vers le bilinguisme à l’école. Mis à part l’autre bel exemple, le Tarn et Garonne, la proportion d’élèves concernés est minuscule, voire inexistante dans certains départements.
Pour obtenir de meilleurs résultats dans ce domaine, il est essentiel de gagner la bienveillance des familles d’écoliers, et plus généralement celle de la population qui entoure l’école. Or, pour cela une action peu couteuse et efficace consiste à afficher en langue du pays les noms de lieux où vit cette population.
Revenir chez soi et lire “La Sanha”, “Ais-de-Prouvenço”, “Vilanòva”, puis rentrer au domicile en empruntant la rue “esquicho-coudo”, “ de la tanariá” ou l'avenue “de la riba de mar”, jour après jour ré-habitue les habitants à la fierté tranquille de leur identité linguistique. Point n’est besoin que le citoyen suive un cours d’occitan, il suffit à ce stade qu’il admette que son pays vive une culture qui ne se décline pas qu’en français. L’acceptation de l’enseignement bilingue demain n’en sera que plus facile. Un esprit positif y présidera.
C’est, masqué par d’autres dispositions de la loi Molac, que celle-ci a été adoptée. Que les citoyens sachent s’en emparer, et demandent à leur maire de commander les panneaux de ville et de rues. Ils commenceront à créer l’environnement favorable à un enseignement de leur langue trop souvent niée.
Le député européen Régions et Peuples Solidaires, le Corse François Alfonsi, s’est félicité de l’adoption de la loi Molac, tout en nous rappelant que c’était moins une surprise qu’on ne le pense.
Tout a été coordonné sur deux ans, d’une part en créant le collectif Pour Que Vivent Nos Langues, réunis en septembre 2019 avec les moyens du Parlement Européen, d'autre part grâce au travail parlementaire qui a favorisé la prise de conscience de nombreux députés et sénateurs.
François Alfonsi rappelle à cet égard que la constitution du groupe parlementaire français Libertés et Territoires a donné les moyens aux députés de travailler sur une longue période à peaufiner et avancer le projet Molac. Par ailleurs la constitution d’un groupe sénatorial Ecologie et Territoires a permis de convaincre le Sénat de mettre à l’ordre du jour ce projet, alors amoindri en première lecture à l’Assemblée Nationale. “C’est ainsi que l’idée est devenue évidente qu’il fallait voter ce texte à l’identique. La force de conviction de Paul Molac a été essentielle, comme le travail collectif dans les deux assemblées”.
La Loi fera t’elle avancer le schmilblic “langues régionales” au ministère de l’Enseignement qui n’en voulait pas ? “M. Blanquer a du se rendre à l’évidence, son avis n’était pas celui des députés de sa majorité, chez qui nous avons réveillé ces identités qui ne demandaient qu’à l’être. Mais il faut maintenant palier à l’urgence : réclamer du ministère le retour de la non concurrence de la matière “langue régionale” au lycée, et le relèvement de son coefficient au baccalauréat. La période ne peut pas être plus favorable !”
Après la votacien istorica de la Lèi Molac, vòstra premier sentiment ?
Amb aquela lèi lo monde dels aparaires de l’ensenhament de l’occitan avèm ganhat una enòrma victòria simbolica e politica. E lo govèrn i a viscut una desfacha, que sa majoritat a pas votat coma voliá.
Una partida de la Lèi a poscut divisar lei defensors de lengas minoritaris pasmens : lo prètzfach ara pagat ai parents que mandan seis enfants seguir un ensenhament bilingüe associatiu dins una autra comuna.
Los parents podian ja marcar sos enfants dins una escòla d’una altra comuna, per rason de fratria a reunir, perqué un establiment podiá recebre l’enfant endecat, e lo pretzfach per els èra garantit...Mai pas per l’enfant que deuiá seguir un ensenhament en lenga regionala. Pasmens la Lèi NOTRE, despuei qualquas annadas l’autorisa, mai lo prètzfach, per aquela rason èra solament facultatiu per la Comuna. Ansin, la mesura de la Lèi Molac es una mesura d’egalitat de tractament. Sabi que serà criticat que l’argent public siegue mobilisat, mai vòudriáu rementar que l’argent public es premier d’argent privat que paga lo public gràcia a la talha.
D’un altre latz la Comuna que deurà pagar un pauc amb aquela Lèi, chifrarà que l’organisacion d’un ensenhament en lenga regionala li fariá economisar.
Se deuietz sotalinhar un ponch particular ?
Una disposicion tras qu’importanta es dins lo tractament egalitari que permetrà la Lèi entre las matièras. L’occitan et las altras lengas rejonhan lo còrse, que lo Còdi de l’Educacion garantissiá que “la langue corse est enseignée dans le cadre horaire normal” ; es una matièra, pas una opcion ! Ara aquò es reconegut per las altras. Las oras d’ensenhament de l’occitan podràn plus èstre relegadas a d’oraris impossibles, coma fan a l’ora d’ara.
Mai que d’un observator me disiá, encara lo 7 d’abriu, que la Lèi seriá pas votada. Alòr perqué fins finala va siguèt ?
Cal remarcar que aquela Lèi fuguèt possible amb la reforma constitucionala de 2008. Amb l’intrada de las lengas regionalas dins la Constitucion, la reforma aviá donat tanben la possibilitat als deputats de s’acampar tres jorns per mes per discutir l’òrdre del jorn del Parlament. Es ce que dison las “finestras parlementarias”. E es com’aquò que la Lèi Molac a pogut faire son camin, fòra de la volontat dau govèrn. Cal enfin sotalinhar que la constitucion del grop parlementari Libertés et Territoires a fa trabalhar mai que d’un estacat parlementari sus l’afaire, e que lo montatge intelligent a comptat per faire caminar lo projècte de Lèi.
Adoptée à une large et inespérée majorité, la proposition de loi 3658 relative à la “ protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion” introduit quelques dispositions légales inédites dans l’univers du droit à se voir enseigner une langue régionale, et en langue régionale.
Elle montre aussi que le corps législatif est capable de s’opposer aux volontés gouvernementales, ce qui n’est pas moins important.
La proposition de loi portée par le député Libertés et Territoires Paul Molac, a bénéficié dans un premier temps de la constitution de ce groupe parlementaire dont les attachés parlementaires ont pu travailler finement la rédaction du texte et le border juridiquement. La faiblesse des attaques lors du débat en seconde lecture à l’Assemblée Nationale témoigne du peu de prises que le projet a laissé aux habituels cassandres qui arguent de l’inconstitutionnalité probable de ce genre de texte, le 55è mis sur le bureau de l’Assemblée Nationale depuis 1951, et le seul qui ait connu le succès.
Vaste par son propos – il reconnait les langues parlées à Mayotte, tranquillise juridiquement la signalétique en langues minoritaires de France, inscrit dans le code du patrimoine les langues en principe seulement protégées par la Constitution, autorise les signes graphiques propres à certaines langues, etc… - il introduit cependant deux dispositions particulièrement importantes pour l’enseignement des langues minoritaires : il défraie les parents qui, souhaitant un enseignement bilingue pour leurs enfants, devraient les envoyer dans l’école -associative sous contrat – d’une autre commune ; et il autorise les écoles publiques en immersion linguistique à aller plus loin que la parité entre la langue minoritaire et le français.
Mais plus largement, il crée une obligation à l’Education Nationale. Quand une Région passe contrat avec l’Académie, si ce contrat stipule que la langue régionale doit être proposée à tout élève du territoire, l’Education Nationale devra y satisfaire. Il s’agit bien de “proposer”, et non de rendre obligatoire cet enseignement comme certains députés s’en sont alarmés.
Charge donc aux défenseurs des langues régionales d’introduire dans le débat démocratique régional cette possibilité.
Adoptée largement – nos contacts préalables montrent que les occitanistes actifs s’attendaient à un vote négatif – par 247 députés contre 76, la loi dite Molac n’a pu l'être, adoptée, que par le non respect des directives du ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, par cent députés LREM.
Et cette révolte des parlementaires macronistes était cependant attendue par le promoteur de la loi. En entretien en janvier Paul Molac nous le disait bien, après le rétablissement par les sénateurs d'articles supprimés en première lecture : “même les députés de sa majorité, confrontés à des problématiques de terrain, sont méprisés par leur ministre. Alors, vaille que vaille, si de toutes façons ils ne peuvent attendre aucun compromis, de plus en plus ils disent “non”. Cela s’est vérifié dans l’hémicycle le 8 avril 2021.
Enfin au delà des longs débats préalables à l’adoption de la loi, il faut souligner que celle-ci est un projet purement parlementaire. Il a été rendu possible par les trop méconnues “fenêtres parlementaires” qui permettent aux députés de s’entretenir quelques jours par mois hors les propositions gouvernementales, et de faire parvenir jusqu’au débat des projets de loi issus des parlementaires eux-mêmes. Cette possibilité a été ouverte en 2008, par la même réforme constitutionnelle qui a inscrit les langues régionales dans la Consitution du Peuple Français.
Avec ces “fenêtres”, on le voit brillamment ici, le vote des citoyens pour leurs députés peut désormais aboutir à ce qu’ils soient entendus, au terme il est vrai d’un travail de longue haleine dont Paul Molac s’est acquitté depuis deux ans.
Le même Paul Molac, avec son homologue du Parlement Européen François Alfonsi, ont aussi préparé les esprits en proposant en septembre 2019 la constitution du collectif Pour Que Vivent Nos Langues. En faisant de la promotion des langues minoritaires de France une affaire trans-régionale, ils ont favorisé le mouvement qui permet aux députés Corses, Bretons, Catalans, etc. de prendre connaissance des volontés locales, et néanmoins nationales.
A cet égard, si le rassemblement parisien du 30 novembre 2019 a eu son importance en tant que déclancheur, les multiples rassemblements coordonnés dans tout l’hexagone le 10 octobre dernier, ont sans doute eu un impact profond sur les familles politiques d’où, on l’a vu hier le 8 avril, se sont extraits de nombreuses voix discordantes depuis la majorité parlementaire.
Le député breton Paul Molac en remet une couche ! La loi qui devrait porter son nom, votée moins trois articles essentiels le 14 février 2019 par l’Assemblée Nationale, avait vu le Sénat rétablir ceux-ci en décembre dernier.
Pour Paul Molac (groupe Libertés et Territoires) il s’agit maintenant de convaincre les députés de voter en l’état le texte tel que le Sénat le renvoie à l’Assemblée Nationale, qui devrait statuer le 8 avril prochain, ainsi que M. Molac nous l’avait annoncé à la fin de l’an passé (lire Aquò d’Aquí 332 de février 2021).
Le projet de loi tel qu’il sera proposé à nouveau au vote des députés, comporte en effet trois dispositions jugées importantes par son rédacteur.
D’abord une convention Etat/collectivité locale prévoyant un enseignement de la langue régionale imposerait cet enseignement (sous une forme qui pourrait d’ailleurs être une initiation) à tout élève du territoire de la dite collectivité. Dans le cas d’une convention Région/Etat, la portée serait sans commune mesure avec tout ce qui existe dans ce domaine actuellement. “Avec un tel objectif ces conventions ne pourraient pas ne pas prévoir la formation des enseignants en conséquence” nous avait expliqué Paul Molac.
Puis, dans les écoles bilingues, il deviendrait possible d’aller plus loin que le 50% français / 50% langue minotaire du territoire, en faveur de cette dernière. Cela correspond à certains projets scolaires en pays Basque et Bretagne en particulier. Il est notable que cet amendement est du aux sénateurs, et non au projet originel.
Enfin, les parents d’un enfant contraint de s’inscrire hors de sa commune à une école pratiquant l’apprentissage de sa langue pourraient se voir rembourser leurs frais par leur commune, y compris quand l’école choisie est privée, ou associative. Ce dernier point fait débat, en tout cas, dans le cas de la langue occitane ; une partie des acteurs associatifs, surtout enseignants, étant opposés à ce qu’une commune finance ainsi indirectement le choix de l’enseignement dit non public.
Enfin, quel que soit le devenir du projet certains articles y resteront : l’autorisation de signes diacritiques dans les prénoms, ou le fait que désormais la loi Toubon relative à l’emploi de la langue française devrait ne plus pouvoir être opposée aux dispositions visant à promouvoir les langues régionales…
Mais pourquoi diable les députés qui ont écartés les dispositions relatives à l’enseignement des langues minoritaires accepteraient-ils de les voter deux ans après ? La proximité des élections régionales pourraient faire évoluer certains, leur camp devant défendre en Régions les obstacles qu’ils auraient dressé à Paris devant l’enseignement des langues de ces mêmes régions.
Mais Paul Mollac préconise d’être pro actif, de ne pas laisser aller jusqu’au 8 avril. Demander rendez-vous à son député devrait-être le réflexe des associations régionalistes, afin de bien poser sur la table ce qu’ils souhaitent de leur élu. “Ce serait le meilleur moyen de gagner sur ce point, et pour cela nous avons peu de temps” nous disait le député, en décembre dernier.
Disons-le, du temps, en mars, il y en a encore moins...
Pour ceux qui souhaitent écrire à leur député, c’est ici.