Le provençal peut éviter des drames




Les fortes pluies suivies d’un vent violent ont provoqué plusieurs décès en Provence depuis une semaine. La douceur du climat provençal s’accompagne de ces colères subites dont les aménageurs, mais aussi les résidents, ne tiennent pas suffisamment compte. Les signaux d’alarme sont pourtant en permanence devant nos yeux comme dans nos oreilles.

Nos anciens ont nommé en provençal tous les risques, nos "responsables" veulent l'ignorer

Les offices du tourisme ne nous présentent bien entendu que soleil et lumière. Telle ville, en Haute-Provence, en avait fait son slogan : « 300 jours de soleil par an ». Elle n’est pas seule.
 
Pourtant à certaines périodes, en particulier en automne, mais aussi en juin, les orages hyper violents viennent nous rappeler que le climat provençal n’est pas tendre tout le temps. C’est ainsi depuis longtemps.
 
La démographie galopante dans notre région et l’artificialisation du territoire, spécialement près du littoral où s’amassent les gens et les activités qui les font vivre, rendent les effets de ces crises climatiques de moins en moins gérables.
 
Qu’un navire à quai soit poussé par un fort mistral et endommagé fait partie des aléas, des risques, des impondérables. Que des milliers d’habitations soient ennoyées, que des jeunes gens se noient dans un tunnel d’évacuation des eaux relève d’une politique d’aménagement du territoire.
 
Dans notre région, la course à l’espace constructible et la folie du bitumage systématique aboutissent à des aberrations aux effets dramatiques ; nos rues deviennent rivières sauvages. Pourtant nous sommes prévenus de ces possibles effets.
 
Les inondations de 2010 dans le Var ont lessivé une zone commerciale appelée « les Paluds » (les marécages), avant de faire déborder un fleuve côtier sur les berges duquel on avait abondamment bâti.
 
Récemment encore, un projet d’aire des gens du voyage dans les Bouches-du-Rhône, a été annoncé, sur un lieu-dit, Les Moullières (les résurgences), qui signale les problèmes à venir dès avant la pose de la première pierre.
 
L’équipement, dans les années 70, de centaines de stores extérieurs, plein nord, dans un établissement hospitalier marseillais, fait aujourd’hui sourire. Si le mistral avait immédiatement dispersé le budget, au moins ce gâchis n’avait blessé personne.
 
La toponymie provençale, comme la connaissance de son régime des vents, est indispensable à la gestion du risque. L’essentiel des noms de lieux nous vient du provençal, et bien souvent les anciens ont désigné, sur le terrain, ce qu’il fallait craindre. Ils l’ont fait pour les générations à venir, et celles-ci ne sont plus en mesure de comprendre ces informations.
 
Les géographes des temps anciens ont d’abord tenté d’effacer cette mémoire. Il fallait franciser à tout prix. C’est ainsi que « Larg » est devenu « L’Arc », faisant oublier que ce cours d’eau savait devenir « large ». Il est aujourd’hui bordé de maisons et d’immeubles, qu’on construit toujours malgré le risque évident de crues.
 
Puis l’ignorance revendiquée des bureaux d’études, des architectes et des élus qui signent les permis de construire a continué l’œuvre d’acculturation. Ses effets sont, on le voit régulièrement, dramatiques.
 
Certes la « bétonisation » est assassine pour la biodiversité. Elle l’est aussi tout simplement par le niveau de risque qu’elle fait courir à la population.
 
Inverser la tendance, ce serait déjà informer cette population de ce qu’elle risque où elle vit, mais aussi de lui donner des moyens de réfléchir aux conséquences des aménagements qu’elle subit.
 
Et pour cela, traquer ce que la langue occitane nous dit du territoire, en informer le public, est à notre avis un préalable indispensable.

Mercredi 31 Octobre 2012
La rédaction