Hollande, réforme territoriale et langue d’Oc


Le président de la République annonce une évolution du paysage institutionnel. Le but, économiser. Comment les promoteurs de la langue régionale peuvent-ils tirer leur épingle du jeu et favoriser en temps de crise notre originalité ouverte au monde ?



Si on veut bien oublier un moment le comportement pistachier du président de la République, et s’attacher à ce qu’il a dit lors de sa conférence de presse, on verra que ses annonces du 14 janvier peuvent regarder l’avenir de la langue d’Oc.

Se saisir de l'opportunité des mutations

A l’heure où l’Etat cherche désespérément à ne plus payer, François Hollande veut également que les collectivités locales prennent leur part de la décroissance des dépenses publiques.
 
Comme on n’imagine pas que les économies soient faites sur les aides économiques, qu’on doute que les budgets sociaux soient trop rognés, on peut penser que c’est sur le reste que s’effectueront les coupes sombres.
 
Et la menace de celles-ci sera permanente. Nos présidents de Régions ou de Départements, qui consacrent une part (bien minime en général) de leur budget culture à la langue occitane, seront sous pression constante. C’est le sens de la création du Conseil Stratégique de la Dépense, qui admonestera chaque mois les plus généreux.
 
Les dotations d’Etat seront d’ailleurs désormais mouvantes en fonction des efforts d’économie des collectivités. Moins elles dépenseront, plus elles seront dotées. Etrange logique.
 
Toutefois ces collectivités elles-mêmes sont amenées à se transformer. A l’heure de la compétition mondiale des territoires, on voit apparaître en France les « métropoles ». On a assez vu autour de Marseille avec quelle douleur elles naissent.
 
Les Régions, M. Hollande désormais, verrait bien « leur nombre évoluer », a-t-il dit. Quant aux Départements, « ceux des grandes aires métropolitaines devront redéfinir leur avenir ». La chasse aux « doublons » sera-t-elle l’occasion, par exemple, de mettre en joue un Conseil Général des Bouches-du-Rhône qui consacre plus de 500 000 € à la « langue et culture régionale » ?
 
Là aussi, le président de la République annonce que les mutations seront « puissamment incitées ». Et la Loi, bientôt, balisera ces évolutions voulues par l’Etat. Il serait inconséquent de ne pas se préoccuper de ces évolutions.

Une politique vraiment en faveur de la langue

Pour les promoteurs de notre langue régionale il s’agit donc de les anticiper, puis de les accompagner. La redéfinition des collectivités locales, de leurs aires de pertinence et de leurs compétences doit-elle amener les mainteneurs à revoir leur façon de travailler ?
 
A mesure que les budgets –certes toujours trop maigres – dévolus à la langue et culture régionale ont augmenté, depuis dix ans, on a vu de quels effets pervers ces évolutions ont accouché : les budgets propres à mieux faire partager la langue régionale ont été dilués dans un ensemble « culture régionale » qui n’aide en rien le provençal à progresser.
 
Tel conseil général accorde par exemple, sur sa ligne budgétaire « langue et culture régionale », sa plus grosse subvention à une troupe de théâtre, conventionnée sur trois ans, ce qui est exceptionnel, et qui n’incite pas à dire un mot de provençal sur scène.
 
Telle association de maintenance, en opposition frontale, radicale et destructrice avec tous les promoteurs de la langue régionale en Provence Alpes Côte d’Azur, milite pour capter l’essentiel du budget « langue et culture », afin de créer une structure de combat anti occitaniste.
 
On ne connaît rien de plus contre-productif et, si on veut bien un instant éviter de parler « d’économies », mais de rechercher plutôt une « optimisation » des aides publiques, il faudra bien admettre dans cette logique que les défenseurs de la  langue régionale ont tout intérêt à proposer aux collectivités de nouvelles règles d’attribution des subventions.
 
En séparant les budgets « culture régionale » des budgets « langue régionale », celles-ci verraient mieux le résultat des efforts consentis. Si l’objectif est réellement de maintenir l’usage de la langue régionale, d’aider nos concitoyens à la pratiquer, et ainsi à affirmer leur originalité dans le monde au XXIè siècle, alors cette règle ne devrait poser de problèmes à quiconque.
 
De même, parmi les évolutions qui pourraient intéresser les promoteurs de la langue régionale de Provence Alpes Côte d’Azur, le regroupement de leurs services pourrait à la fois permettre de réaliser des économies de structure et de créer des « maisons de la langue d’oc » destinées à rayonner et à intéresser le public.
 
Car, qui n’en a fait l’expérience, quand les mainteneurs montrent le visage d’un monde uni dans sa diversité, ils cessent de faire peur aux élus locaux qui, on peut les comprendre, sont effrayés qu’un premier contact avec une association soit destiné d’abord à dénigrer les autres…
 


Unis pour discuter l'avenir

La première difficulté, au cours de ces évolutions possibles, sera d’identifier les nouveaux décideurs. Qui, à la Métropole, pourra  discuter des conditions faites aux associations de promotion de l’occitan ? Comment les élus départementaux auront-ils encore la main dans l’avenir, et avec qui devront-ils composer ?

La Région sera-t-elle encore l’interlocuteur, ou faudra-t-il s’adresser à une EuroRégion, que nous composons d’ailleurs déjà avec d’autres régions partiellement occitanophones : Rhône-Alpes, la Ligurie et le Piémont ?
 
Il nous semble que la première condition pour affronter un avenir pas forcément sombre, c’est de commencer par réaliser une véritable force régionaliste pour la langue d’Oc, unie mais diverse, capable de faire entendre sa voix aux autorités élues, afin de saisir l’opportunité du changement, pour faire progresser la connaissance et le partage de notre langue régionale.
 
L’organisation du colloque d’Anem òc à Marseille le 30 novembre dernier a brillamment montré que cette unité du cœur et de la raison pouvait donner de très beaux résultats publics.

En réunissant des centaines de personnes et en partageant des discours constructifs pour l’avenir de notre langue, les diverses associations ont montré un haut niveau de maturité.

S’il est une expérience qu’il faut valoriser, ce sera bien celle-ci. Qu’elle donne lieu à un système de gestion commune de notre avenir, et elle trouvera des interlocuteurs publics dans le grand mouvement institutionnel qui semble se dessiner.

Mercredi 15 Janvier 2014
Aquò d'Aquí