Glaudi Barsotti, un Prix littéraire de Provence engagé


Mis à l’honneur à Ventabren le weekend passé, l’écrivain journaliste estime que les langues minoritaires jouent un rôle face à la mondialisation capitaliste. L’occitan idiome de résistance ?



L'oeuvre de Glaudi Barsotti est marquée par la diversité des genres (photo MN)
La plupart du temps les récipiendaires du Grand Prix Littéraire de Provence saisissent l’occasion d’un public nombreux pour disserter sur l’engagement de leur vie pour la langue d’oc. Ils la remettent en perspectives dans le siècle, et parlent des dangers qui guettent sa survie.
 
Le Laus de Robèrt Laffont en 2007 en fut un bel exemple. Il fallut deux numéros à Aquò d’Aquí pour en rendre compte.
 
Rien de tel avec Glaudi Barsotti, célébré dimanche 28 septembre à Ventabren, en même temps que Christian Bromberger, ethnologue fin connaisseur des cultures d’Iran…et des us et coutumes des supporters de l’OM.
 
Le discours de Glaudi Barsotti, tout en remerciements, surtout à Jòrgi Reboul e Guiu Martin, grands disparus de l’occitanisme régional, tient sur une feuille A4.

Culture populaire et éclectisme

Le journaliste a organisé trente années de présence de la langue occitane au quotidien La Marseillaise (photo MN)
Les louanges le mettent mal  l’aise, il conçoit mal qu’on lui reconnaisse une influence, pourtant réelle, sur les jeunes qui viennent ou reviennent à  leur culture occitane et populaire ; il s’affole de la possibilité de se voir un jour des disciples…Et estime qu’il vaut mieux parler de ses écrits que de sa personne.
 
Ce « Niston de la guerra », selon son autobiographie partielle, est né à Marseille en 1934 de parents toscans.

C’est dans le foyer familial qu'il apprend deux choses qui traceront son parcours de vie : les gens s’enrichissent à parler plusieurs langues, et les cultures populaires sont au moins aussi importantes et respectables que LA culture que les sociétés cherchent à  faire partager au plus grand nombre.
 
D’abord radio de marine, Glaudi Barsotti deviendra contrôleur des Assurances sociales. Son engagement communiste l’amènera a écrire dans la presse de ce parti en Provence. Après avoir animé une chronique dominicale en occitan dans la Marseillaise, dès la fin des années 1970,  il propose à ce quotidien une page thématique hebdomadaire, à partir de 1985. Ce sera Mesclum, toujours active, et dont il ne s’est retiré qu’en 2013.

Langues laminées par la mondialisation

Egalement titulaire du Prix littéraire de Provence, l'ethnologue Christian Bromberger est un fin connaisseur d'un Iran différent de celui dont nous parle la TV,mais aussi un scrutateur du phénomène footballistique...et enfin un sagace connaisseur de l'art d'utiliser en société sa pilosité...un savant qui étudie des phénomènes poilants en quelque sorte (photo MN)
Cuisine, Music-hall, anthologie d’écrivains, roman policier, roman historique…peu de genres échappent à sa boulimie d’écrivain.
 
A La Marseillaise, il avait son casier, et y passait chaque semaine. C’était alors l’occasion d’une conversation en occitan, au cours de laquelle il s’excusait presque de corriger les multiples fautes ou incohérences dialectales que son jeune confrère semait dans chaque phrase…
 
Pour Glaudi Barsotti, les langues se développent, ou pas, dans le public, au gré des vastes mouvements de capitaux qui assurent le développement et la survie d’un système qui lamine les différences au nom de la consommation.
 
Dans le cours de la mondialisation telle qu’elle se déroule sous nos yeux, ou sur nos vies, le citoyen compte bien peu, et seul le producteur-consommateur a une certaine importance.
 
Or, la langue qui a le plus ses chances dans le système d’échanges mondialisé, ce n’est pas l’occitan, ni même le français, mais bien ce sous-anglais qui sert de sabir d’affaires. Les qualités propres de la langue – structure simple, vocabulaire itou – n’y sont pas pour grand-chose. C’est la langue de l’Empire économique et militaire, c’est donc elle qui s’impose, dans son expression minimale.

L’occitan pour se développer malgré tout

C’est donc là que favoriser nos langues régionales devient intéressant. Pas seulement pour des raisons pratiques ou affectives : certes notre occitan nous permet de dire un imaginaire particulier, et d’affirmer par la parole une vieille culture en transformation.
 
Mais ce qui vaut pour la langue occitane, vaut pour le breton ou pour le ligure, et pour tout idiome qui dit une culture. La langue vernaculaire, quand elle est encore assez vive pour échanger, place l’individu dans un rapport au monde enfin non contraint par le système capitaliste, pour appeler un chat un chat. Comme le système en question est totalisant, ça ne lui plaira pas beaucoup, pas longtemps.
 
Serine encore longtemps ta résistance, Glaudi Barsotti ; elle donne ses chances à un monde différent, plus humain, demain.
Parmi cinq écoles primées (et dotées de 500€ par l'Aeloc) le prix des jeunes a été attribué à l'école de Ménerbes pour un travail sur la toponymie occitane du village. Autres primés : La Calandreta d'Orange, l'école de Puyloubier, le lycée Thiers de Marseille, les lycées Jean Monet (Vitrolles) et Cézanne (Aix) pour la création d'un spectacle sur le Pouèmo dóu Rose (photo MN)

Mardi 30 Septembre 2014
Michel Neumuller