Azincourt, Azincourt, morne plaine


Savoir reconnaître ses erreurs serait-il, avec le sens de l'autodérision, la marque culturelle majeure de tout ce qui boulègue au sud de la Loire ?



Il y a tout juste 600 ans, le 25 octobre 1415, une armée anglaise de 6000 hommes mettait en déroute l'armée française forte de 18000 cavaliers et fantassins. Les archers gallois avaient tiré comme à la fête foraine l'élite de la Chevalerie du royaume. On avait déjà à l'époque une guerre de retard. 

BHL a mis toute l'Afrique du Nord dans le caca, et Carrère d'Encausse s'est royalement plantée dans son analyse de l'URSS finissante...L'intellectuel ou l'homme d'action qui fait faute est souvent pardonné, pourvu qu'il soit une star.

Les stratèges militaires en étaient encore au temps de Philippe Auguste, deux siècles plus tôt, quand on choisissait un "prat batalher" et qu'on faisait partir les paysans et les bergers qui  l'occupaient, avant de s'expliquer. Bertrand de Born nous raconte comment cela se passait dans une de ses chansons.
 
La guerre de retard nous l'avions encore en 1870, puis en 1914. En août 14, l’Etat Major, partisan de l'attaque à outrance, sabre au clair, envoyait les fantassins en pantalon rouge se faire hacher menu par les mitrailleuses allemandes. Mais il n' était pas dans la mentalité des responsables de ces massacres et de ces défaites de reconnaître leurs erreurs et leurs torts. On trouvait des excuses. En 1415, les Anglais n'avaient pas été loyaux et n'avaient pas respecté les codes de la Chevalerie. En 1914, les enfants de l'aimable Provence avaient lâché prise devant l'ennemi, du côté de Morhange, Dieuze et Vergaville, en Lorraine. C'était la faute du XV° Corps. Joffre, qui était le principal responsable de cette inutile boucherie, n'a jamais été blâmé. Des centaines de rues et de places portent son nom aujourd'hui.
 
Cette faculté bien française de cacher la poussière sous les tapis est toujours aussi vive au troisième millénaire. Les erreurs sont pardonnées et vite oubliées si le personnage qui se plante est une star des médias. Yves Coppens doit son auréole à Lucy, sa découverte, qui était selon lui notre ancêtre. On a prouvé ensuite qu'il n'en était rien, mais peu importe. La réputation de Coppens reste intacte. Madame Carrère d'Encausse nous avait bassinés avec ses livres à gros tirage, en expliquant que l'URSS imploserait à cause des républiques musulmanes d'Asie qui voudraient se séparer. Ces républiques ont été fidèles jusqu'au bout à l'Union Soviétique, les dernières après la Russie elle même. L'énorme erreur de la meilleure spécialiste supposée de l'URSS ne l'a pas empêchée de devenir Secrétaire Perpétuel de l'Académie Française. Bien plus grave est l'exemple de BHL. Il est toujours au faîte de sa gloire, toujours aussi présent sur les plateaux de la télé alors que son initiative désastreuse de va-t-en guerre en Libye a conduit au chaos en Méditerranée.
 
Dans les pays d'Oc, nous avons le sens critique plus aiguisé. Bernard Henry Lévy ne serait pas une star de la philosophie spectacle s'il était marseillais ou toulousain. L'autodérision, peu présente dans le Nord, vient en prime chez nous. Notre regretté ami Jean Pierre Belmon qui fut aussi chanteur occitan dans ses jeunes années, m'avait dit un jour: "On était gonflés, on ne savait même pas accorder notre guitare et on vous faisait payer 20 francs pour venir nous écouter". J'avais effectivement payé 20 francs pour entendre Belmon, Mauris et Marti, un soir à Nice vers 1973. Peu de chanteurs francophones sont prêts à faire ce genre d'aveu.
 
Pourtant beaucoup jouent et chantent faux.
 
D'Azincourt à l'intervention en Lybie, en passant par le massacre du XVè corps en 1914, les responsables et autres mouches du coche se voient rarement reprocher leurs erreurs (photo XDR)

Mardi 20 Octobre 2015
Andrieu Abbe