Poète inquiet de l’amour et de la mort Sergi Bec s’est éteint


APT. Le grand poète d'oc est décédé le 27 février. Son œuvre rend compte de l'inquiétude face à la mort et du combat pour aimer face à cette échéance.



Serge Bec / notre gratitude à Georges Souche, qui met à notre disposition ce cliché.

Grande voix de la poésie provençale, l’œuvre de Sèrgi Bec couvre plus d’un demi-siècle, disant avec émotion l’amour d’une femme – la sienne, Anna – et sa crainte de la mort.

 

Poèsie sombre marquée par cette injustice qui consiste à un jour ne plus avoir droit à la vie, l’œuvre du poète, dira-t-il a France 3 Vaquí, l’émission en provençal de la télévision publique en 1998 : “ E negre quouro parli de la mort; n’en siéu tafura dins ma car, dins moun eimo, bord que la mort, n’ai paur, pas talamen perqué es la mort, mai subretout perqué es pus la vido, aco’s lou problemo”

 

Le poète s’est éteint le 27 février. Né à Cavaillon en 1933, il grandit à Apt, où vit sa famille, et qui deviendra un foyer de la poésie et de la littérature d’Oc, avec Pèire Pessemessa, Marc Dumas, Guiu Matieu, Joan-Ive Roier et Sèrgi Bec lui-même.


En 2007, au Grand Prix littéraire de Provence, qu'il a reçu l'an d'avant, en compagnie de Viviano Roux (g) et Claudeto Occelli (d) (Photo MN)

Appelé en Algérie, où comme d’autres il subit la guerre sans nom durant 28 mois, le voici développant une écriture âpre, qui veut faire éclore un désir ardent. L’objet de son amour soutiendra toute son œuvre, y compris dans les pires moments, quand la femme aimée entrera dans un coma qui n’éteindra pas son espoir, mais lui inspirera le merveilleux monologue de Suito pèr uno eternita (ed. Verlag im Wald, 2002).

 

Sèrgi Bec écrit, dans les années 1950 cet amour qui sera toujours un combat :

 

Quouro abuèt feni d’amoussa de l’infèr lei braso / la brefounié leissè toun cors estransina sus la gravo / mousseguè ta car qu’uno sabo I trespiro : tei labro coumbourido poudrèron ta caro

 

Alor subre tei formo se moulara à barbelon / uno oumbro endecènto dins la rajo dóu soulèu / coume uno sorre tèndro e terriblo demest lei flour / cineràri que fan flamba nòstreis amour

 

(Mesclun de ma jouvènço)


Septembre 2006 lors de la remise du Grand Prix Littéraire de Provence, à Ventabren (photo MN)

Et bien plus tard a la fin des années 2000 ce combat devient encore plus âpre, voire désespéré :

 

“As d’acò de l 'acanto tragico / Que noun s’atrobo en Paradis” (Tant auta la niue)

 

Se mêlant avec l’espoir dans ce contraste du sentiment d’impermanence et d’éternité qui font tant pour l’universalité de la poésie de Sèrgi Bec :

 

“Nostei pensado cremaran pas / d’uno descoumpousicioun arderouso / d’aqueste matin d’abriéu qu’avèn viscu / dins uno terro tant vièio

 

“Sian de cerca milanto mitoulougio / per èstre tras-que-segur / de nosto eisistènci

 

“ per la proumiero fes”


(Eisista per la proumiero fes – 2009)

 

Espoir en l’amour salvateur, que l’on retrouvera quand l’être aimé perd conscience, et que le poète amoureux s’adresse à elle, pour être entendu malgré le silence qu’elle lui oppose :

 

“Ai devina l’absènci / de toun cors / que iéu contugne / de floureja / coume uno luno /escoundudo”

(Suito per uno eternita, 2002)


Une œuvre marquée par l'inquiétude face au terme de la vie humaine, et à l'amour, combat pour la vie

Sèrgi Bec faisait corps avec son Luberon, qu’il comparait à une femme, et dont il ne voulait se séparer. Il fut le premier directeur adjoint du jeune Parc Naturel Régional, adjoint délégué à la culture de sa ville d’Apt. Formé au journalisme il travailla un temps à l’Agence France Presse.

 

 

Auteur d’une quinzaine de recueils de poésie en provençal, il alterna durant sa vie l’écriture en graphie classique et mistralienne, qui pour l’essentiel marque son œuvre. On lui doit aussi des romans, et une longue liste de guides touristiques, de connaissance du Lubéron, de guides naturalistes.

 

En 2006, à Ventabren (13) il a reçu le Grand Prix Littéraire de Provence pour l’ensemble de son œuvre.



Lundi 1 Mars 2021
Michel Neumuller