Lo Còr de la Plana replonge dans un Marseille en mutations


MARSEILLE. Les cinq polyphonistes marseillais s’immergent à nouveau dans leur ville en métamorphose. Sortis d’une résidence à la Cité de la Musique, le 10 mars ils y dévoileront sur scène leur nouveau répertoire, toujours aussi engagé.



Vendredi soir 24 février à la Cité de la Musique...Deux semaines de préparation, un nouveau cycle dans la vie artistique et engagée du Còr de la Plana (photo MN)
« C’était la première fois qu’une de mes œuvres entrait au Conservatoire » s’amuse Manu Theron. Fondateur d’une tradition qui a fait florès, le chant polyphonique marseillais, il se dépêche d’ajouter, avec gourmandise, que « c’était une composition pour contester les plans de soi-disant rénovation du quartier de La Plaine, que les opposants se sont mis à chanter au milieu d’une réunion de concertation, organisée au Conservatoire de Marseille par la mairie », à la marge de ce quartier.
 
Le ton est donné, pour le prochain concert que Le Còr de la Plana donnera à la Cité de la Musique, le 10 mars  prochain en soirée. Le groupe vocal vient d’y passer deux semaines en résidence, qui font suite à une première, en octobre passé. Et le répertoire, en construction, s’intéresse de manière critique à Marseille.
 
Il s’agit d’un ré-ancrage dans la cité qui a vu naître cette équipe à  cinq voix masculines, voici une grosse quinzaine d’années. Une naissance, justement, au quartier de la Plaine, ce plateau urbain où se maintient une véritable vie sociale.
 
« Nous avions le sentiment d’arriver à la fin d’un cycle, il était temps de se ressourcer » appuie Sébastien Spessa, l’un des cinq. Durant la résidence ce sont donc les nouvelles compositions de Manu Theron qui ont été travaillées. « Il s’agit de mettre en place la manière de les chanter, et ce n’est pas une petite affaire » poursuit Manu Theron.

Textes engagés sur le Marseille actuel en mutations malheureuses

Manu Theron : "décidément, qu'on nous ait effacé ainsi comme Occitans, ça ne passe pas" (photo MN)
Vendredi 10 mars à partir de 20h30, le public s’en rendra compte. Un chant sur le Carnaval de la Plaine, un second sur le projet urbain contesté de la Ville pour ce même quartier, un autre tristement d’actualité dont le titre, « Terrorista », dira le sujet. Enfin, et Manu Theron comme Sébastien Spessa esquissent un soupir et lèvent les yeux au plafond pour l’évoquer, une composition évoquant « le holdup qui nous a privé de notre nom, au bénéfice d’une seule Région : « Adiu », adieu à l’Occitanie ».
 
« Soixante-dix ans de militantisme mis à la poubelle en rien de temps : les Robert Laffont, Jorgi Reboul, Renat Merle expulsés de notre histoire commune !» déplore Manu Theron, à propos du choix des ex-Midi Pyrénées et Languedoc Roussillon de s’approprier seuls le nom commun d’Occitanie.
 
Mais c’est Marseille qui, d’abord, préoccupe le groupe de polyphonies occitanes. Le cycle évoqué par Sébastien Spessa faisait référence, toujours, à la cité phocéenne : les albums consacrés aux chants sacrés, aux chants à danser et aux chants politiques des troubaires marseillais d’il y  a un siècle en ont témoigné de 2002 (Es lo titre) à 2012 (Marcha). Mais il s’agissait là d’une réappropriation historique par un projet artistique.

Un nouveau cycle pour le groupe fondateur du chant polyphonique marseillais

« Il était temps de relancer une dynamique commune, et nous avions besoin de nous retrouver » estime Manu Theron. Les cinq chanteurs, depuis quelques années, vivent chacun de leur côté des aventures artistiques hors du Còr de la Plana. Manu Theron s’investit dans plusieurs projets, de Ve Zou Via, avec des chanteuses napolitaines, à Chi Na Na Poun, un étonnant trio avec mandoline et tuba. Sébastien Spessa s’investit dans la connaissance et la pratique du baroque provençal ; Rodin Kaufmann vient de graver son album « Ara » où l’expérimentation électronique sert la poésie…
 
Les voici donc tous à nouveau focalisés sur l’observation de Marseille  et de ses mutations « malheureuses. Marseille, aujourd’hui, est un énorme échec institutionnel et politique, mais la ville reste émaillée de vraies truculences et ingéniosités populaires, sans lesquelles elle serait invivable ». Dixit Manu Theron.
 
De l’échec institutionnel et du salut populaire, le public saura plus le 10 mars.
Vendredi 10 mars à la Cité de la Musique de Marseille (photo XDR)

Mercredi 1 Mars 2017
Michel Neumuller