Le coup de crayon n’est pas un coup d’òc dans l’eau


Aix-en-Provence; La mine graphite bien acérée, les dessinateurs occitanistes ne vivent pas de leur art, mais leur apport à la cause des langues régionales est assez percutant pour marquer les esprits. Dans le cadre du Festival BD d’Aix, le Cep d’Oc en avait réunis trois, non des moindres.



Miquèu Bouisson, Bernat Vaton, Gerard Phavorin e Joan-Mari Ramier per charrar dau dessenh (photo MN)
« Il y a de bons coups de crayons pour exprimer l’occitan, mais ce n’est déjà pas facile de vivre de ses dessins en français, alors en occitan… » Joan-Mari Ramier, le président du Cep d’Oc résume bien une situation qui freine la créativité. « C’est la même chose pour les littérateurs », ajoute Glaudi Barsotti, « un qui en vit, pour mille qui essaient ! ».
 
Créez en langue minoritaire, vous ajouterez encore une couche de difficulté, et pas la moindre. Pourtant que de talents ! ont souligné tous les participants à ce débat, organisé par le Cep d’Oc, dans le cadre du Festival de la BD d’Aix-en-Provence.
 
Au milieu de la Médiathèque Méjanes une quarantaine de personnes étaient venues dialoguer avec Bernat Vaton, Miqueu Bouisson et Gérard Phavorin, tous trois illustrateurs, pour le bonheur de la presse de langue d’oc.

Le dessin dit d'un coup ce que le texte peine à exprimer

Joan-Glaudi Dauphin, per Aquò d'Aquí en 2003 (XDR)
Ils ne sont pas seuls. Qui ne connaît, parmi les afouga, Juli d’Omenàs, le croquant à béret de Raccouchot ? Et certains se souviendront des comics des bas de pages d’Aquò d’Aquí. Ils étaient dus à Joan-Claudi Dauphin. Acuité du regard, bien vinaigré du premier, doux-amer du second.
 
« La situation de notre langue, injustement écartée en France par une sorte de racisme, est pour eux un aiguillon créatif » soutient Glaudi Barsotti, «  un dessin sur deux de Phavorin est là pour les défendre, qu’il s’agisse de l’occitan ou de celles des Amérindiens ».
 
« Une vieille histoire pour nous, car le dessin frappe l’esprit, résume la situation, reste dans la mémoire » rappelle JM Ramier. « Il dit d’un coup ce que le texte a du mal à exprimer » ajoute Bernat Vaton, dont les personnages « punks » jettent un regard amusé sur la bêtise des uniformisateurs de pensée. « Depuis le Tron de l’Èr des années 1880 jusqu’aujourd’hui, il y a de quoi publier une belle anthologie », une idée que lance Miqueu Bouisson qui, rappelons-le, travaille au Creddo de Graveson.

Mine dure contre ethnocide mou ?

Là, dans le temps, il publiait tous les mois des dessins d’humour qui mettaient en état d’anxiété un ancien maire. « C’est la force du dessin de presse, il résume une situation en la dénonçant ». On sait, depuis le massacre de Charlie Hebdo, à quel point certains coups de crayon font perdre la raison.
 
Mais point besoin de Kalachnikov pour refroidir les langues régionales en France. Il suffit d’endormir leurs défenseurs en consacrant à leurs idiomes deux lignes inoffensives dans la Constitution, avant qu’une ministre de l’Education ne tarisse les possibilités d’organiser son enseignement, avec la complicité de chefs d’établissements trop heureux de simplifier leur emploi du temps.
 
Face à cet ethnocide mou, le dessin peut-il quelque chose ? « Il peut dire de façon percutante ce que l’Unesco dilue dans ses rapports : que toutes les cultures se valent, et que celui  qui en dénigre une n’est rien d’autre qu’un raciste ! » Dixit Glaudi Barsotti.
"La lenga de mon imaginàri". Gerard Phavorin per l'Armanac de Mesclum (XDR)

Dimanche 3 Avril 2016
Michel Neumuller