Anne à l’hôtel où l’on chantera occitan

Confinats sens èstre esconfits




DIGNE. L’hôtel de Provence s’est vidé depuis le 16 mars, n’y viennent plus que les laissés pour compte de la vie. Anne, la propriétaire, elle, rêve sa cour pleine de gens venus écouter les artistes qui font sa vie à elle. Demain tous auront besoin de lieux solidaires pour renouer avec la convivència.



Anne a du temps, le confinement pour elle c'est imaginer un avenir plus coopératif, plus occitan aussi (photo XDR)

Elle effectue des virées quotidiennes sur les rives de la Bléone, à s’émerveiller d’un bidon rouillé antédiluvien, ou de l’agencement de galets et bouts de bois, risqué par un adepte inconscient du land art ; elle passe des heures en cuisine à ne pas perdre la main ; et puis, dit-elle, “je chante et je danse, seule”. Ça occupe. Et le geste favorise la pensée, c’est connu.

 

Une grande salle d’hôtel, une petite cour, des questions et des désirs, mais aussi l’anxiété du quotidien, voilà Anne Biglio. Elle revenait d’une agréable tournée de choriste au Québec, vers Digne. Mais pendant qu’elle traversait l’Atlantique, de retour, le covid lui arrivait en sens inverse, de Chine, avec étape meurtrière en Lombardie.

 

On pourrait penser que les hôtels sont fermés, mais non, pas tous ; virus ou pas il faut bien une solution pour ceux qui n’en ont plus...”

 

L’hôtel de Provence, à Digne, en accord avec les services sociaux, accueille les gens en rupture, sociale, psychologique, relationnelle...”Des gens qui ne respectent pas toujours mon espace privé, je dois souvent mettre le hola pour éloigner le risque de contagion”.


Droit aux racines

Rencontré sur les rives de la Bléone, la créativité en temps de confinement (photo AB DR)

Et puis, dans la petite cour, maintenant que les dix-huit chambres sont pour bonne part vides, Anne a du temps. Elle s’assied, rend un regard circulaire au lieu, et imagine ici même un Miquèu Montanaro, une Daniele Franzin, d’autres compagnons de la clé de sol, chanter ou faire chanter les autres. C’est tellement dommage cette cour où personne ne répond aux oiseaux !

 

Anne est arrivée en 2005 à Digne, en quittant le pays niçois. Un nouveau départ économique avec cet hôtel qui accueille souvent des travailleurs en déplacement ; mais bientôt, aussi, une séparation. Il faut donc assumer, un peu plus seule. Le chant est plus qu’une soupape de sûreté, une passion, mais canalisée, car il s’agit aussi d’une occasion de coller à sa culture. “Je respecte ceux qui veulent ici chanter bulgare ou d’autres idiomes, mais ce n’est pas ce que je recherche. A ma mère on interdisait de parler occitan, alors fatalement, ni à la maison ni à l’école je n’ai eu ce droit à mes racines...J’ai quand même l’opportunité de les retrouver, en chantant”.

 

Ce sont donc en pays niçois les ateliers de Gael Princivale, sur un concept de Michel Bianco (Lo Corrou de Bèrra), et parfois les concerts de fin de stage, qui tout à la fois la forment et lui donnent envie de poursuivre. Puis, à Digne, comme ce virus là ne passe pas, elle intègre un temps le chœur local Boulegadis, puis le trio Farf 'elina, qui chante italien, occitan et corse.


Coopération

C’est donc la tête pleine de jolis souvenirs humains et sonores qu’Anne Biglio, sur la chaise pliante de la cour de l’hôtel, réfléchit durant les journées, aussi printanières que cloîtrées, aux moyens qui sont à sa disposition “pour aider à sortir de cette crise”. Car la crise, pour elle qui vit de son hôtel, sera demain évidente, tout comme elle le sera pour les dizaines d’artistes dont elle recherche le contact. Ce sera dur, inutile de se voiler les cordes vocales ! Mais la coopération est une voie de salut.

 

Je verrai bien ici des soirées contes et chants. Miquèu Montanaro m’en a donné l’idée. Il y aurait un public, je m’en occupe! Et puis autour des artistes, comme il y a des restaus locaux qui souffrent aussi, on s’y retrouverait”.

 

L’optimiste Anne Biglio, quand elle parle de la crise actuelle, c’est pour faire précéder le mot, presque toujours de celui de “sortie”...Sortie de Crise. Elle croit au triomphe de la volonté. Il suffit que l’optimisme soit partagé. Après on verra, et on entendra.

 

 

A demain pour chants et contes en occitan ? (photo XDR)


Jeudi 30 Avril 2020
Michel Neumuller