La culture partagée permettrait donc de maintenir la cohésion et la solidarité entre les membres d'un groupe humain ? A comparer avec les travailleurs néo-urbains, largués dans un environnement nouveau où tout le lien social reste à créer.
Rentrant au pays, Daniel tourne et retourne ses pensées : notre culture peut se maintenir grâce à son véhicule majeur, la langue, commence t-il à réfléchir. Et celle-ci nous met en connivence avec des gens spatialement éloignés, pourtant, comme les Gascons. « Au contraire, le lissage de la culture française, par l’éradication de sa diversité linguistique, aboutit en fait à une déculturation avancée. Vous voyez ces gens qui plantent un drapeau américain devant chez eux sans rien savoir de la société américaine ! c’est un signe…Rester avachi devant des émissions TV débilitantes en est un autre ».
Voici donc Daniel en pleine immersion culturelle provençalisante. Il danse aux Farandoulaire Sestian à Aix-en-Provence, puis participe aux Rescòntres Occitans de Provença, durant l’été 2017 dans le Champsaur.
Parfaitement inconnu du milieu régionaliste, il décide de créer son propre réseau pour progresser. Avec lui, Facebook chauffe ! « J’avais un besoin d’immersion sonore, entendre une langue vive, qui serve vraiment à communiquer, échanger ». Ne nous mentons pas, nombre de régionalistes a-do-rent parler de la langue, en langue d’oc…Discuter du prix des carottes ou de la fabrication de la bière les passionne bien moins. Pourtant c’est en causant de ceci et de cela, au quotidien, que la langue sort du ghetto.
Après une belle période de progression quasi continue entre 2007 et 2010, les effectifs scolaires des classes d’occitan-provençal et alpin marquent le pas cette année, et même diminuent. 8618 élèves du primaire dans l’Académie d’Aix-Marseille (les départements 04, 05, 13 et 84) en 2009-10 mais 8427 cette année.
2851 collégiens bénéficiaient d’un cours de langue régionale l’an passé, ils sont 2747 cette année. Seuls les lycées affichent une légère progression, avec 964 élèves contre 929 l’an dernier. Mais, l’Administration scolaire le sait bien, tout reflux en amont se traduira par un nouveau reflux dans les lycées quelques années après.
Ces statistiques, tirées du Conseil Académique de la Langue Régionale que le Recteur Jean-Paul de Gaudemar a réuni le 16 mars 2011, traduisent en fait deux événements. Une lame de fond d’abord : le travail volontaire accompli dans les Bouches-du-Rhône ces dernières années, avec l’ouverture de nouveaux Centres Continus d’Apprentissage de la Langue Régionale et le passage progressif de l’une d’elle (Maillane, 13) au statut d’école bilingue.
Mais elles mettent aussi en lumière les errements de la Réforme des Lycées, arrivée l’an passé et qui produit ses effets en 2011 : en multipliant les itinéraires et options de découverte, en rendant obligatoire à tous l’initiation à l’économie, elle complique à souhait le travail des proviseurs, qui sont tentés pour rendre acceptables leurs emplois du temps, de caler le cours de langue d’oc au moment du repas ou à la nuit tombée. C’est assez dissuasif.
Enfin, cette année, aucun nouveau poste de professeur certifié d’occitan ne sera gagné dans l’Académie. Trois stagiaires font actuellement leurs débuts à Digne, Gap et St-Martin, mais rien ne dit qu’ils y resteront à l’issue de leur première année d’enseignement. Le plus souvent, le passé l’a montré, ils repartent.
Bien entendu, ces statistiques brutes masquent une réalité parfois très différente selon les départements de l’Académie. Quoi de comparable entre les Alpes de Haute Provence, en pleine déconfiture, sans volonté si on excepte celles d’élus vaillants tels que M. Clement (Conseiller Général de La Motte du Caire ), et celle du Vaucluse où la progression est continue et importante ?
Il y a à peine 300 élèves en « sensibilisation » dans les écoles communales du 04 (ils vont au théâtre quand le Conseil Général et l’Association Pour l’Enseignement de la Langue d’Oc préparent une tournée du Théâtre de la Rampe, l’Education Nationale ayant un rôle plus que réduit dans ces actions) et 1677 plus les 74 bilingues de la Calandreta d’Orange dans le Vaucluse, soit 100 de plus qu’en 2009-2010. D’un côté, on invoque l’anglais, désormais obligatoire, pour ne pas faire de provençal ; de l’autre, on affiche un état d’esprit tranquillement conquérant, anglais ou pas.
C’est qu’entre Digne, Sisteron et Manosque, on voit bien qu’il manque ce que le Vaucluse est en train de conforter. Entre Avignon et Bollène, l’Académie renforce le poste d’une chargée de mission dont le travail consiste à développer l’enseignement du provençal : un mi-temps en 2009, un plein temps cette année, dont le Recteur affirme qu’il sera pérennisé. Les résultats commencent à se voir avec des maîtres d’école qui se sentent soutenus et accompagnés. A quand un coup de pouce semblable pour nos départements alpins ?