Une agrégation de langues de France à portée symbolique


Marie-Jeanne Verny, responsable de la Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Oc, salue ici la création d’une agrégation « section langues de France ». Toutefois celle-ci ne modifiera pas les conditions difficiles de cet enseignement. Pour cela, l’action collective lui semble incontournable.



La création d’une agrégation de langues de Françe, officielle depuis la publication le 23 mars au Journal Officiel de l’arrêté qui la crée, était une promesse de la ministre de l’Education Nationale. Faite l’automne dernier, elle sonne comme un cadeau d’adieu.  Son gouvernement vit ses dernières semaines, et la mesure ne coute pas cher : un peu en salaires, absolument pas en création de postes de professeurs d’occitan-langue d’oc, breton ou basque.

Les réelles avancées pour l'enseignement des langues de France dépendront de la volonté des acteurs de se mobiliser ensemble

Elle ne mettra pas plus les futurs agrégés à l’abri de la mauvaise volonté d’un principal de collège qui ne souhaiterait pas d’enseignement de langue régionale dans son établissement.
 
Les premiers agrégés seront probablement des titulaires d’un Capes de langue régionale. Pour eux c’est enfin une possibilité d’avancement de carrière. Et pourquoi n’y auraient-ils pas eu droit ? C’est une simple question de justice et d’égalité de traitement. C’est l’aspect positif de cette mesure.
 
Un professeur agrégé, rappelons-le, bénéficie d’un meilleur salaire que son collègue titulaire du Capes, et n’enseigne que 15h par semaine au lieu des 18h de ses collègues. C’est donc une situation propice à mieux préparer ses enseignements. Mais dans le cas d’un professeur de langue de France, qui court d’un établissement à l’autre, l’amélioration des moyens sera relative.
 
J’entends bien l’argument de groupuscules très régionalistes, qui par exemple, ont tout de suite protesté contre l’institution de cette agrégation, au prétexte qu’elle ne reconnaissait pas spécifiquement un professeur agrégé de provençal. Au hasard d’une question de journaliste, j’ai appris cela sans étonnement, mais avec déception.
 
Disons-le clairement, les questions de graphie sous tendues par cette protestation ne seront pas réglées par la création d’une agrégation de ceci ou de cela. Le Capes d’occitan-langue d’oc n’a jamais empêché quelqu’un d’enseigner dans la graphie de l’occitan qui lui plaît. Il en sera de même pour l’agrégation. Elle distinguera simplement ceux qui se sont investis dans sa préparation.
 
La vraie question qui devrait générer l’unité nécessaire des enseignants, c’est celle de leur droit à enseigner nos langues régionales. Plus de postes, de meilleures conditions, c’est ce qu’ils ne pourront obtenir qu’en se mobilisant, jamais en jouant l’atomisation.
 
Reconnaissons donc, sans explosion de joie excessive que, sur le plan symbolique, la création de cette agrégation est importante.
 
Mais maintenant, l’essentiel est dans la suite. La circulaire d’application doit être favorable à l’enseignement des langues de France. Avec nos fédérations – la Felco qui représente les enseignants de langue d’oc, moteur de propositions face au ministère – et la Flarep qui réunit ses homologues d’autres langues de France, nous avons un travail important à mener pour réussir les conditions de cette agrégation, et obtenir des avancées en matière d’enseignements.
 
Et cela, chacun ne pourra le réaliser dans son coin. Les enseignants concernés seront avisés de nous faire remonter leurs vécus, et leurs demandes.

Mercredi 29 Mars 2017
Marie-Jeanne Verny