Nos villes avec leur nom historique et sans enquiquineur procédurier


Un aspect de la loi Molac, votée le 8 avril, est resté à tort dans l'ombre : le droit de nommer ses rues et ses entrées de ville sans être harcelé par un obsédé de la langue unique.



De la loi loi nº 2548 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, désormais connue sous le nom de son promoteur, Paul Molac, nous avons surtout retenu les articles permettant de renforcer l’enseignement bilingue dans les établissements publics.

 

Cependant s'il est un aspect de la promotion des langues minoritaires qui a été négligé par les commentateurs, c’est celui de la signalétique bilingue. C’est un tort car cette possibilité, enfin débarrassée des attaques imbéciles de soi-disant libres penseurs, fera évoluer les mentalités de nos concitoyens, à qui sera rappelée aisément la fierté de leur terroir.


Sécuriser juridiquement la signalétique en langue minoritaire jouera pour la récupération de la dignité culturelle de tous

Désormais dans son article 8 la loi Molac précise ainsi que :

 

Sur proposition des régions, de la collectivité de Corse ou des collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, par voie conventionnelle ou contractuelle, les services publics peuvent assurer sur tout ou partie de leur territoire l’affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation, sur les voies navigables, dans les infrastructures de transport ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle, à l’occasion de leur installation ou de leur renouvellement.

 

Souvenons nous de cette lamentable affaire qui, dans la petite localité de Vilanòva de Magalona, en 2011-2012, avait su mobiliser largement les défenseurs de l’identité occitane, malmenés par un de ces experts de l’empêchement de respirer, plus à l’aise dans les dédales de l’appareil judiciaire que dans sa propre culture, niée, et surtout niée à ses concitoyens.

 

Attaquée en justice par un individu parce que les panneaux d’entrée et de sortie de ville étaient rédigés, outre en français, en occitan, le Tribunal Administratif de Montpellier avait jugé la plainte recevable, et débouté la commune, pendant que des inconnus déboulonnaient les panneaux en pleine nuit. Le maire, Noël Segura, les faisait reposer à l’identique, et peu après le Tribunal administratif de Marseille cette fois, en appel déboutait le plaignant. Vilanòva pouvait enfin choisir de décliner son nom dans la langue du pays.

 

Pourtant le risque de voir nier son identité linguistique restait. A preuve en 2019 c’était cette fois le Conseil Départemental de Vaucluse qui demandait à plusieurs communes de retirer leurs panneaux bilingues. Un technicien zélé s’était avisé que ceux-ci faisait courir un risque juridique aux collectivités.

 

La loi de 1994 relative à l’emploi de la langue française permettait pourtant aux collectivités d’afficher leur nom en langue régionale, mais les empêcheurs de vivre votre culture sont malins. Dans le cas de Vilanòva, c’était le risque encouru de se perdre par non compréhension du panneau, qui avait entrainé la décision, alors même que le nom français de la commune était aussi visible qu’un éléphant dans un couloir.

 

Et une loi sénatoriale adoptée en 2011 n’y changea rien, bien qu’elle précise ainsi «Les panneaux réglementaires d’entrée et de sortie d’agglomération apposés en langue française sur la voie publique peuvent être complétés du nom de cette agglomération en langue régionale.»

 

La loi Molac vient donc renforcer l’acception, par les tribunaux, des choix de maires qui nomment leur commune en occitan, breton, basque etc. Et elle fera perdre leur argent aux fâcheux qui haïssent la diversité.

 

Et c’est heureux, car si le renforcement de l’enseignement bilingue dans l’école publique est une excellente perspective, on doit reconnaitre qu’actuellement elle concerne une part infinitésimale des élèves d’entre Bordeaux et Menton. A peine 3% des élèves du premier degré dans les Bouches-du-Rhône, de loin le département le plus avancé dans ce domaine, reçoivent un enseignement de provençal durant quelques heures par semaine. Moins de 500 vont vers le bilinguisme à l’école. Mis à part l’autre bel exemple, le Tarn et Garonne, la proportion d’élèves concernés est minuscule, voire inexistante dans certains départements.

 

Pour obtenir de meilleurs résultats dans ce domaine, il est essentiel de gagner la bienveillance des familles d’écoliers, et plus généralement celle de la population qui entoure l’école. Or, pour cela une action peu couteuse et efficace consiste à afficher en langue du pays les noms de lieux où vit cette population.

 

Revenir chez soi et lire “La Sanha”, “Ais-de-Prouvenço”, “Vilanòva”, puis rentrer au domicile en empruntant la rue “esquicho-coudo”, “ de la tanariá” ou l'avenue “de la riba de mar”, jour après jour ré-habitue les habitants à la fierté tranquille de leur identité linguistique. Point n’est besoin que le citoyen suive un cours d’occitan, il suffit à ce stade qu’il admette que son pays vive une culture qui ne se décline pas qu’en français. L’acceptation de l’enseignement bilingue demain n’en sera que plus facile. Un esprit positif y présidera.

 

C’est, masqué par d’autres dispositions de la loi Molac, que celle-ci a été adoptée. Que les citoyens sachent s’en emparer, et demandent à leur maire de commander les panneaux de ville et de rues. Ils commenceront à créer l’environnement favorable à un enseignement de leur langue trop souvent niée.

Manifestation à Vilanòva de Magalona en 2012 pour le droit à nommer la ville de l'Hérault en occitan (photo MN)

Jeudi 15 Avril 2021
Michel Neumuller