Municipales : l’occitan ne sort pas renforcé des urnes


Sans altérer réellement les espoirs des défenseurs de la langue d’oc, le résultat des municipales ne sera pas sans effet sur les politiques locales, ou nationales…



Hervé Guerrera restera présent sur la scène politique aixoise, toujours dans l'opposition, mais sans les écologistes (photo MN)
La « vague bleue » en Provence, avec ses déferlantes « bleu marine » a submergé la région. Toute ? Non, car quelques "irréductibles villages" occitans ont résisté. La langue régionale y est mieux traitée qu’ailleurs, c’est-à-dire sans indifférence, mépris ou hostilité. 

Donnons un coup d'oeil circulaire sur la situation.
 
L’Ostau de Provença, à Aix, ne verra pas la visite d’un nouveau maire. Le socialiste Edouard Baldo a échoué face à Maryse Joissains, le maire UMP depuis le début du siècle.

Le candidat socialiste avait largement fait référence à la langue d’Oc dans sa profession de foi. On doit noter deux changements dans l’ancienne capitale de Provence du point de vue de la défense du provençal.
 
La maire adjointe aux « Affaires provençale », Arlette Ollivier, ne se représentait pas. Elle avait accompagné Mme Joissains depuis sa victoire de 2001 et assumait quatre délégations épuisantes, dont la Communication. Arlette Ollivier avait veillé, par exemple, à l’intégration du Centre d’Oralité de la Langue d’Oc à la Médiathèque d’Aix.

l'Adjointe pérennisait ainsi ce centre de documentation associatif en lui donnant un statut communal. On se souvient aussi qu’en 2007, elle avait participé à la manifestation d’Anem Òc à Béziers, pour l’occitan dans la vie publique.

A Aix-en-Provence, toujours, Hervé Guerrera, conseiller municipal régionaliste d'opposition (il a fait partie des fondateurs du Partit Occitan en 1987) et conseiller régional, est élu sur la liste d’opposition socialiste d’Edouard Baldo.

Lors des municipales de 2009, M. Guerrera était tête de liste écologiste et avait réalisé plus de 11% des voix. Dans la foulée, il avait négocié la fusion des listes au second tour avec celle d’Alexandre Medwedowsky (qu’on retrouvait cette fois-ci sur une liste centriste…).

Déceptions occitanistes à Aix comme à Marseille

Transfuge ? En fait les Verts lui avaient préféré un écologiste pur jus, François Hamy, qui a effacé toute référence à la langue et à la culture régionale lors de sa campagne. Inédit à Aix depuis plus de vingt ans ! Sa liste n’atteint pas 5%.

Voyant ses valeurs fondamentales niées et désirant donner une véritable chance à la gauche aixoise de jouer l’alternance, Hervé Guerrera avait alors choisi de négocier avec la tête de liste socialiste.
 
A Marseille, une partie des milieux régionalistes misaient beaucoup sur le candidat socialiste, Patrick Menucci. Celui-ci avait montré un intérêt croissant pour les projets occitanistes depuis deux ans : calandreta, soutien à la musique occitane, projet de centre culturel…, qui devront être avancés par leurs promoteurs dans un contexte politique moins favorable, et dans une ambiance marquée pour les six années à venir par l’implantation du FN dans le 7 è secteur de la ville.
Patrick Menucci avait laissé entendre qu'il soutiendrait plusieurs projets de l'Ostau dau País Marselhès. Le contexte sera-t-il encore favorable par exemple à la création d'une école Calandreta ? (photo MN)

Le maire de La Seyne parlera encore provençal

Dans les Bouches-du-Rhône, on doit noter la réélection de Roger Meï, le maire Front de Gauche de Gardanne, sur le fil ! Il gagne, avec 71 voix d’avance sur son rival de gauche, Jean-Brice Garella, qui a déposé un recours. Gardanne abrite la Mission Académique pour la Langue Régionale, qui organise l’enseignement du provençal dans le primaire et dans tout le département.
 
Non loin, la réélection de Lucien Molino à Septèmes, aux portes nord de Marseille, garde à différentes manifestations de soutien à la langue occitane un épaulement jamais démenti de cette municipalité de gauche.
 
Dans le Var, qui reste profondément à droite, et voit le FN arriver dans trois villes, dont Fréjus et Le Luc, la Ville de La Seyne reste à gauche. Le maire socialiste, Marc Vuillemot, est un parfait occitanophone et avait créé une délégation à la langue régionale en 2008.

Il avait aussi soutenu les projets d’introduction de la langue occitane à l’école. Il a été mis en difficulté, dans une ville portuaire qui cumule les difficultés nées de la fermeture, désormais ancienne, de ses chantiers navals.

M. Vuillemot était toutefois arrivé en tête au premier tour, un peu en dessous de 30%, talonné par le FN à 26%. Lors du second tour, au cours d’une triangulaire PS-FN-UMP, il l’emporte avec 40% des voix. 

Bleu Marine avec Sang et Or dans le Vaucluse

A l'issue d'une triangulaire Marc Vuillemot retrouve son siège de maire de La Seyne, où une politique favorable à l'occitan pourra être poursuivie (photo MN)
Peu de villes se sont lancées dans une politique active de promotion de la langue régionale en Provence. Et la défense de celle-ci a rarement été un enjeu avoué lors de ces municipales.
 
Le cas de Cheval Blanc, dans le Vaucluse, semble particulier. Une association ultra-provençaliste y a projeté la création d’un « observatoire » de la  langue provençale.

Grace à la mise à disposition d’une bâtisse par la commune, et à une subvention très importante qu’elle espère du Conseil Régional Paca, elle pourrait y forger l’outil de l’anti-occitanisme virulent qui l’anime. 

Sur le plan du contexte politique, Cheval Blanc avait apporté 35% de ses suffrages à Marine Le Pen lors de la présidentielle de 2012, la plaçant en tête des candidats. Le maire, Christian Mounier (classé divers droite), a été réélu au premier tour des municipales avec 72,43% des suffrages exprimés.
 
Le passage à droite d’un nombre important de communes de Provence Alpes Côte d’Azur aura également un impact fort sur les élections sénatoriales de septembre 2014, qui doivent renouveler la moitié des sièges de sénateurs.

En effet, les délégués des conseils municipaux représentent 95% des 150 000 électeurs des sénateurs.
 
Actuellement le Sénat est à gauche. Il doit examiner un projet de loi autorisant le gouvernement à ratifier la Charte Européenne des Langues Régionales. Son président Jean-Pierre Bel, en mai 2012, avait manifesté en faveur des langues de France à Toulouse.

Il était en tête de cortège. 



Demain un Sénat anti-langues de France?

Les défenseurs des langues régionales pouvaient donc espérer un Sénat favorable à une certaine rénovation législative. A la suite des municipales de 2014, ces espoirs pourraient être largement rabattus.

Un millier d’électeurs FN voteront en particulier pour les sénateurs. Or ses députés européens, en septembre 2013, avaient tous voté contre un rapport préconisant la ratification de la  charte.
 
Au sommet de l'Etat également, les promoteurs des langues régionales pourraient perdre un allié. Ils jaugeront surement les chances d’Hubert Poignant de rester proche conseiller de François Hollande.

L’ex maire de Quimper a subi une défaite dimanche 30 mars 2014. Son étoile est donc pâlissante. Or, il est réputé ferme partisan des langues de France.

Mercredi 2 Avril 2014
Michel Neumuller