L’enseignement de l’occitan décroît dans l’Académie d’Aix-Marseille


ACADEMIE AIX-MARSEILLE. Sur fond de non recrutement de professeurs et de précarisation des postes d’animateurs, l’Académie ne fait aucun effort d’information des familles. Le résultat : une courbe des effectifs qui s’inverse à la baisse depuis trois ans, avec des situations contrastées : résistance dans les Bouches-du-Rhône, disparition dans les Alpes, mise en danger dans le Vaucluse.



L’enseignement de la langue régionale accuse un tassement perceptible et, sans doute, durable, dans l’Académie d’Aix-Marseille.
 
Si les situations départementales sont contrastées, on est partout loin de la situation de croissance d’effectifs qui avait marqué les années 2005-2009.

Depuis cette période plus favorable, la décrue est tendancielle. C’est ce qu’apprennent les statistiques du Rectorat, diffusées le 24 janvier 2014 à l’occasion de la réunion annuelle du Conseil Académique de la Langue Régionale.
 
La baisse des effectifs est sensible dans les lycées de chacun des départements de l’Académie : Alpes-de-Haute Provence, Hautes Alpes, Bouches-du-Rhône et Vaucluse. Nulle part on n’enregistre d’augmentation.
 
Avec 889 lycéens en tout et pour tout, on peut se demander si le seuil de crédibilité de cet enseignement n’a pas tout simplement été enfoncé.

Malgré l’attrait de points supplémentaire au baccalauréat, faciles à obtenir, les effectifs n’ont jamais été très élevés. Un pic, cependant bien peu élevé, avait été atteint en 2007-08, avec 1021 élèves.
Public et privé confondus, moins de mille lycéens désormais suivent un cours de langue régionale dans l'Académie d'Aix-Marseille (XDR)

La langue régionale est désormais quasi introuvable à l'école dans le désert alpin

Près de 1800 collègiens font du provençal dans le 13, moins de 40 dans le 05 (photo MN)
Sur un effectif lycéen de 111 000 élèves, public et privé confondus, on mesurera la pauvreté de l’effectif des cours d’occitan dans son berceau régional.
 
Dans les Hautes-Alpes, on pourrait même parler de langue morte, du point de vue de la scolarité, puisque plus aucun élève ne l’apprend au lycée.

Les deux derniers élèves d’occitan ont passé leur bac en 2012, dans un département où ils n’avaient jamais été plus de 12 au cours des années « fastes » 2005-2010.
 
Les situations sont bien entendues différentes selon les départements. L’essentiel de l’effectif lycéen de provençal étudie dans les Bouches-du-Rhône, avec 632 élèves. Mais cela reste presque confidentiel. Ils n’y furent jamais plus de 712 (en 2008-09).
 
Cette situation de grande pauvreté, voire de misère éducative, est logiquement précédée par un effectif minimal dans les collèges : 36 dans les Hautes Alpes, 1796 dans les Bouches-du-Rhône. Ramené à la population scolaire totale des collèges, ce dernier chiffre n'a rien de mirobolant.
 
Les pédagogues connaissent bien les raisons de la décrue des enseignements optionnels. Les adolescents ont d’autres préoccupations, ils lâchent prise, avant de choisir à nouveau la matière à l’approche du baccalauréat…quand par bonheur leur lycée la propose. Mais la continuité de l’enseignement dans un même secteur est proprement chaotique.

Une structure de soutien permet aux Bouches-du-Rhône de s’en sortir mieux

Les statistiques sont imprécises dans le primaire, où les effectifs sont surement élevés en départements urbanisés. Les "écoles à pratique isolée" sont les moins bien connues (photo MN)
Seul le premier degré s’en sort honorablement : 1100 environ dans le Vaucluse, et – probablement – près de 8 000 dans les Bouches-du-Rhône.

Les statistiques y restent floues en effet. Hors de ces deux situations départementales mieux vécues, les effectifs restent cependant très faibles : moins de 300 dans les Alpes-de-Haute-Provence, pas même trente dans les Hautes-Alpes.
 
Ces chiffres permettent au moins de comprendre d’où vient le problème de  l’indigence de l’enseignement de la langue d’oc dans les lycées.

L’effilochement des effectifs dans le temps joue à partir d’un nombre d’élèves plus ou moins faible dès l’école élémentaire.
 
Il est difficile de se contenter du satisfecit du Rectorat, commentant la réunion du CALR de 2013 : « le premier degré est, globalement, en augmentation, grâce à la progression constatée dans les Bouches-du-Rhône » disait ce compte rendu voici un an.
 
Que rien ne soit tenté par les autorités académiques dans les départements alpins, où la langue reste présente à travers le tissu associatif et les activités culturelles, frise l’abandon pur et simple de toute ambition pédagogique.

Dans une région frontalière où l'occitan est usuel des deux côtés et peut aider à l'apprentissage ultérieur de l'italien, le manque d'ambition des autorités scolaires apparaît comme particulièrement grave.

Mais voilà, même le constat très partagé de l’intérêt de l’apprentissage de l’occitan pour faciliter le bilinguisme ne fait pas mouche dans les bureaux dignois et gapençais des Académies. 

L’absence de conseillers pédagogiques du primaire se répercute jusqu’au baccalauréat

Là, aucun poste de conseiller pédagogiques (pérenne) ne permet de répondre à une demande enseignante ou familiale dont on ne sait rien, forcément. Aucun poste, même d’animateur (précaire) ne peut soutenir les enseignants qui voudraient enclencher quelque chose.
 
L’encéphalogramme plat académique interdit de se fier à l’analyse paresseuse des services du Rectorat, selon laquelle les cours disparaissent « par manque d’effectif ». L’absence complète de politique de promotion joue évidemment un rôle dans ce manque d’effectif.
 
On peut espérer que les circulaires d’application de la Loi sur l’Enseignement votée en juin 2013 feront enfin obligation aux chefs d’établissement d’informer réellement les familles des possibilités de cours d’occitan.

Au moins, là où ils subsistent, il sera possible d’espérer voir les effectifs repartir à la hausse.
 
Sans un coup de pouce significatif, ils ne peuvent spontanément voir croître leurs effectifs. Et partant l’identité régionale elle-même se délite dans l’esprit des élèves, de leurs familles et du corps enseignant.
 
Une information correcte et volontariste des familles est nécessaire. Et un soutien réel des enseignants qui ont envie d’enseigner l’occitan est indispensable. Là où ce soutien existe les effectifs restent importants, l’innovation pédagogique est permanente, et les problèmes ne sont jamais insurmontables.
 
Dans les Bouches-du-Rhône une Mission Académique dotée de trois conseillers pédagogiques affirme ainsi sa présence dans près de 30 écoles, forme les enseignants, parlent avec les représentants de parents d’élèves, font le lien avec les maires.

On y a ouvert à la rentrée 2013 à Gardanne la troisième école bilingue publique du département, après Maillane et Martigues.

Dans 24 autres écoles, le provençal fait partie du projet d’établissement et jouit de trois heures d’enseignement de la langue, de trois autres heures d’enseignement de différentes matières dans la langue.
Sans commentaires. Le provençal dans les collèges se porte mieux dans les départements les plus urbanisés. Dans les Alpes il en va tout autrement (photo MN)

Manque criant et chronique de postes ouverts au Capes d’occitan

Idem dans le Vaucluse, mais de façon bien plus contrariée. L’unique demi-poste d’animatrice pédagogique avait permis d’y développer fortement l’apprentissage de la langue. Dans les écoles maternelles et élémentaires à la fin des années 2000, les effectifs avaient été portés au-dessus de 1500.
 
Une administration scolaire peu futée avait supprimé la fonction en 2012 pour pouvoir doter une école de village aux effectifs enseignants trop faibles.

L’effet ne s’est pas fait attendre sur l’enseignement du provençal, passé de 1434 élèves en 2011 à 1131 en 2013. Le poste d’animatrice, réactivé après une forte protestation de l’ensemble des associations de promotion de la langue, reste malgré tout précaire, obligeant les acteurs engagés à garder l’arme au pied.
 
Là où, demain, une demande des élèves et des familles suivra la nécessaire information que devra honnêtement réaliser l’Administration académique, il restera toutefois un problème de taille.
 
Depuis une décennie maintenant, seuls 4 postes par an sont ouverts au Capes Occitan-Langue d’Oc. Ils doivent satisfaire une demande qui émane de toutes les Académies, de Bordeaux à Nice.

Tant que l’offre n’augmentera pas de façon significative, les Recteurs, on doit le leur reconnaître, hésiteront à susciter une demande qu’ils seraient bien en peine de satisfaire ensuite.
 
Encore faudrait-il qu’ils montrent leur volonté de s’intéresser à la problématique. Le 24 janvier dernier, le Conseil Académique de la Langue Régionale, s’est tenu pour la première fois de son histoire en l’absence du Recteur, Ali Saïb, en poste depuis la rentrée scolaire 2013-14.
 
 

Dimanche 9 Février 2014
Michel Neumuller