L’école de Draguignan perd son provençal


DRAGUIGNAN. Implacable logique administrative ! Le jeu des mutations et des habilitations particulières prive cette école d’application de son apprentissage du provençal. Parents et enseignants sont en désarroi et se demandent comment retrouver le fil d’une histoire vieille de quinze ans.



La maman de la petite Marie sourit devant l'objectif, mais moins devant l'école où l'enseignement du provençal a disparu du jour au lendemain( photo MN)
« Le projet n’avait pas été facile à monter, mais à l’époque l’inspectrice nous avait bien aidé, et puis nous avions reçu les conseils de Jean-Luc Domenge, dont la présence va nous manquer cruellement. C’était le professionnel référent ». Marie-Thérèse Durini est une jeune retraitée de l’Education Nationale. Elle fut la directrice de l’école Marie Curie, de Draguignan, et a monté voici une quinzaine d’années le projet d’école, que fréquentent aujourd’hui ses petits-enfants. Or ce maître d’école  ne peut plus assurer cette année ses interventions.
 
Véronique Arcone, elle, n’est pas née en Provence et se trouvait heureuse que sa fille Marie, quatre ans, puisse acquérir les fondamentaux culturels de son pays. « Nous avions mis notre fille dans cette école afin qu’elle puisse profiter d’un enseignement en provençal jusqu’au collège, et je suis révoltée que cela s’arrête ! ».
 
Draguignan avait cette chance de pouvoir proposer un enseignement de langue d'oc en continu de la maternelle au lycée.  L’école Marie Curie envoie en effet au collège proche des élèves qui ont déjà la langue régionale dans l’oreille. Le fait que Jean-Luc Domenge, Grand Prix Littéraire de Provence 2011 et collecteur de mémoire connu dans la région, assure cet enseignement, était le signe d’une grande qualité de celui-ci.
 
« En fait c’est la réglementation qui explique qu’il ne lui soit plus possible d’enseigner dans cette école » nous précise le conseiller pédagogique de l’Inspecteur d’Académie du Var pour les langues vivantes, Pierre Fabre.  Marie Curie est une école d’application, à partir de laquelle des maîtres, habilités pour cela, forment d’autres enseignants. Les postes y sont réservés à des professeurs des écoles dotés d’une habilitation particulière, le Certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur ou de professeur des écoles maître formateur (Cafipemf). Cette année, le jeu des mouvements internes à l’Education Nationale y a amené un enseignant doté de ce certificat.

Une fois perdu retrouver l'enseignement sera difficile

C’est donc cette imparable logique administrative qui aurait abouti à l’arrêt brutal du projet d’école incluant l’apprentissage du provençal. Foin de l’intérêt qu’on peut y trouver !
 
Une institutrice de l’école souligne un des bénéfices de ce cours dont il faut parler au passé. «  L’habitude de diphtonguer, voire de triphtonguer en provençal  avait toujours aidé les enfants à se trouver à l’aise ensuite dans l’apprentissage des langues étrangères. Nous avions d’excellents retours des profs d’anglais du collège sur ce point. En fait, bien des parents en sont conscients et tiennent au provençal, pour lui-même, mais aussi pour les services pédagogiques qu’il rend».
 
En pratique chaque enfant en maternelle et primaire recevait trois quarts d’heures d’enseignement de langue d’oc par semaine à l’école Marie Curie.
 
L’arrêt de ce cours peut sembler particulièrement grave, car le retrouver sera difficile. Certes les enseignants de cette école peuvent réaffirmer leur projet d’école incluant le provençal. Bien sûr, le Conseil d’Ecole peut ensuite l’approuver. Mais au-delà, il faudrait que cet enseignement soit assuré à moyens existants. C’est-à-dire qu’aucune possibilité de « poste flêché » (réservé dans cette école pour un maître provençalophone) ne semble exister.
 
« En fait c’est l’équipe pédagogique qui devrait mettre en œuvre le projet » souligne M. Fabre. Charge aux enseignants de se former au provençal, ou de s’adresser à un animateur bénévole. L'absence de système condamne en fait tous les projets varois à la précarité.
 
Quatre postes « fléchés » existent bien dans le Var, mais ils sont actuellement tous réservés à l’école bilingue publique de Cuers, la seule de l’Académie de Nice. 
La maternelle de Draguignan venait de recevoir un "prix des jeunes" au Grand Prix Littéraire de Provence de Ventabren, le 30 septembre 2012 (photo MN)

Provençal précaire dans le Var, moins dans les Bouches-du-Rhône

Dans les Bouches-du-Rhône voisines, un système différent existe, qui semble permettre non seulement le maintien, mais encore le développement des écoles à enseignement d’occitan-provençal. Les 25 centres d’apprentissage de la langue régionale doivent en effet y disposer d’un poste d’enseignant titulaire d’un certificat particulier. Une Mission dédiée, au sein de l'Académie, veille à pourvoir ces postes, à former les enseignants en continu, et à soutenir leur travail par des visites régulières et la mise au point d'outils pédagogiques.

Qu’un enseignant quitte son école, et le poste, « fléché » devra être pourvu par un de ses collègues, également titulaire du même certificat.
 



Mardi 9 Octobre 2012
Michel Neumuller