Joan-Loís Ramel, l'animateur de culture d'oc qui voulait réveiller le lien entre langue d'oc et aspirations sociales

Nous avons appris le décès hier de cet enseignant, homme discret et pourtant dynamique agitateur de liens sociaux et culturels dans la Drôme


DROME. Jean-Louis Ramel (1955-2021) était le cadet de cette génération de régionalistes dromois, véritables récupérateurs de langue d'oc en vue de la partager. Jean-Bernard Plantevin, Han Schook et d'autres avec lui ont vraiment défriché le terrain du collectage et du partage. En 2005 Jean-Louis Ramel nous accordait cet entretien sur la transmission, particulièrement dans les Baronnies.



Joan-Lois Ramel, tout début des années 2000 (photo XDR)

Coma, a l’ora d’ara, pensas d’ajudar a descubrir la lenga d’Oc e son usança?

Nous voulons assurer une meilleure visibilité de la langue et la culture occitane dans le sud de la Drôme, qui malgré le qualificatif de " Drôme provençale " peine à affirmer son identité. Nous souhaitons aussi favoriser des réflexions, des dynamiques et des idées créatives pour promouvoir et vivre notre culture au présent.
Nous avons l'appui d'un groupe local de recherche de la   mémoire  buxoise. Ils ont collecté des expressions traditionnelles, qui sont publiées sous le titre " Nos expressions provençales ", des chansons traditionnelles (Nous préparons avec l'aide de Jean-Bernard Plantevin et plusieurs autres musiciens la publication de 300 chansons de la Drôme courant 2005;) nous avons aussi publié des livres sur la mémoire comme " le tilleul des Granges, chronique d'un hameau des Baronnies " de Gabrielle Jourdan. Enfin, nous disposons de nombreux films et enregistrements sur la mémoire.

Un premier stage à Villeperdrix en juillet 2004, a permis des cours de langue conviviaux à partir de formulettes, jeux dialogués, situations de la vie quotidienne d'aujourd'hui. Nous avons prévu dans le cadre d'un atelier une exploration de la langue à partir de contes, qui nous interpellent dans le rapport à notre mémoire telle que nous la percevons à titre individuel, mais aussi dans le cadre d’un vécu social, collectif.


Nouvelles dynamiques de "pays"

Premiers stages à Villeperdrix, ici avec Jan-Bernat Plantevin (photo JL Ramel DR)

Es bèn reduch encuei l’emplec de la Lenga, coma mejan de comunicacion ordinari. Alòr quinei praticas dins aqueleis endevenénçias ?

Es una escomessa. En l'absence de politique de grande échelle, l'usage décroit, lentement mais inexorablement. Cependant, les nouvelles dynamiques de pouvoir politique et économique semblent plus ouvertes. A nous de tenir compte de l’émergence de « pays » et de rechercher des échanges en Europe. Un pays vient d'ailleurs de se créer sur le secteur Drôme Sud-Vaucluse Nord avec l'appellation " l'autre Provence. "

Au fond, les usages véhiculaires étant plus réduits, il existe un " vide culturel ". Celui-ci n'est pas actuellement comblé par la culture dominante (diffusée par les media audiovisuels notamment) qui est fortement " marchandisée " autrement dit dans une logique de marché qui aseptise d'autant plus ses contenus, aboutissant à de la communication " préfabriquée " et dépourvue de valeurs authentiques.

Or, les gens, aujourd'hui, veulent retrouver les aspirations qui font appel à leur identité : avoir un langage vrai, une culture de soi-même et de ses racines, pour vivre pleinement le présent.

Donc dans un stage à venir à Plaisians (il a eu lieu effectivement et à été suivi d'autres, ndlr) nous aborderons plus le rapport à nos racines, à nos sources. Et dans un second stage, à Villeperdrix (Il a également connu un avenir, ndlr) nous parlerons plus du rapport au présent, à l'utilisation des technologies et de la communication. Il s'agit bien sûr de deux aspects complémentaires.


Retrouver les fêtes, les rituels, et leur sens

Es que vènon encara a biais leis estatgis per enançar aquelei questiens, a l’ora dau computador individuau e dei vespradas passadas davant sa TV ?

Pour moi parler de la place de la langue et de la culture dans notre monde, c'est analyser des opportunités apportées par les moyens techniques de communication dont nous devons tirer parti, mais voir aussi les faiblesses de notre culture présente. Notre société s'est individualisée,  et donc nous avons perdu en partie le sens de nos rituels sociaux et collectifs: fêtes, veillées, réunions familiales...  Il est donc naturel d'insérer à nouveau l'apprentissage de la langue dans le rapport au groupe, par les chansons et les danses, le théâtre et le conte... et de mettre en œuvre toutes les opportunités d'interaction au cours des stages.

Car pour moi, une langue est destinée à faire le lien entre les aspirations de la personne et son rapport à la collectivité : fonction sociale dans la ville, le village, dans son appartenance plus large, qu'elle soit géographique ou sentimentale…

D'ailleurs dans les cultures méditerranéennes particulièrement, la sociabilité est très importante. La culture replace donc l'homme dans un cycle social : dans le cycle du calendrier qui lui est lié avec les fêtes des saisons et des récoltes ; dans une pérennité de l'action car la réussite des fêtes est un gage de succès pour la descendance, et un signe de réussite pour l'avenir.

Jaumeto Ramel travaillait avec Joan-Lois, en particulier pour les aspects musicaux du travail de trasmission. Ici avec Reinat Toscano dont elle a mis aussi en musique les textes (photo XDR)

Notre journal adresse ses condoléances à l'épouse de JL Ramel, Jaumeto.

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Vendredi 14 Mai 2021
Michel Neumuller