Alidé Sans et Paulin Courtial en musique et paroles


ARLES. Le duo musical occitan était l’invité du festival arlésien Convivència le 13 juillet. A l’issue d’un récital très dynamique, les deux artistes ont dialogué avec le public. Morceaux choisis.



Le duo musical "qui nous laisse tous deux très libres sur scène " (photo MN)
Sur la scène à fond vermeil du petit festival arlésien Convivència, Elle taille de grandes tranches d’air avec ses bras toujours en mouvement. Elle y raconte en aranais, cet occitan pyrénéen, combien il est dur d’être là disponible pour un homme qui, lui, ne l’est pas. : « vies e te’n vas e quan vòs me prenes / e jo que t’è prenut solet quan è podut ».
 
Lui reste assis, presque immobile, et tricote sur un écheveau musical complexe, le « nuage sonore » que traverse la chanteuse, qui roule « sur un boulevard », également accompagnée par un chœur de cigales, ce midi.
 
L’image et de Paulin Courtial, le complice de la chanteuse aranaise Alidé Sans. Une personnalité ! Pas encore trente ans, et des idées arrêtées sur leur art, leur langue, le monde dans lequel les artistes évoluent.
 
Le concert terminé, nous les rencontrons avec le public arlésien. Et les thèmes s’enchainent à partir des questions.

L'occitan vous n'avez pas à en avoir honte

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Pourquoi en occitan ? Alidé Sans - « J’ai grandi avec cette langue, l’aranais c’est ma façon naturelle de m’exprimer, et si je veux transmettre quelque chose d’authentique de moi au public je dois l’employer. Croyez moi, la langue n’est pas une barrière. Vous écoutez tous des morceaux chantés dans des langues que vous ne comprenez pas, pourquoi s’en étonner uniquement quand ils sont chantés en occitan ?
 
Pourquoi être honteux de sa langue ? Ah ! la honte, c’est notre héritage. Au magasin, si je m’adresse en anglais au commerçant, il me respecte ; si je lui parle en occitan, il adopte une attitude supérieure. Malgré cela nous devons tous faire un effort pour ne pas nous justifier de parler notre langue. Faisons que ce soit juste de l’ordre de la normalité.
 
Paulin Courtial – Cela nous fait du bien de passer la frontière et de nous apercevoir que les Catalans parlent catalan et que pour eux, c’est juste normal. Alors que nous vivons l’occitan dans la honte, et ne le parlons qu’en cercle d’initiés.

Créer en proximité la musique qui veut s'adresser au monde

De l'énergie à communiquer au public, et la langue occitane , "l'authenticité que j'ai à transmettre" (photo MN)
Rencontre.  AS - Avec Paulin, la rencontre a eu lieu voici trois ans à l’Estivada de Rodez. Je chantais seule sur scène, et cherchais des musiciens. Paulin a remplacé un guitariste, et avec nos premiers concerts en duo, j’ai vu que ça collait si bien !
PC – Alidé n’a pas besoin « d’à côtés » ; nous occupons plutôt l’espace sonore de manière collective : elle c’est le boulevard, moi le nuage sonore qui l’entoure. Cette façon de jouer nous laisse très libres tous deux. Ajoutons-y Johann Berger qui gère le son.
 
Proximité.  PC - Johann vit de l’autre côté de la frontière, à deux vallées d’Aran. Et nous qui allions à Barcelona à la recherche d’un studio d’enregistrement cher et insatisfaisant ! Nous sommes allés le voir, son studio s’est occupé de l’enregistrement de notre CD, Henerècla, et puis là-dessus nous avons tous trois eu envie de travailler ensemble lors des concerts. Johann a fait le choix de rester et de développer son travail dans sa vallée. Ça colle tellement bien avec notre projet : car nous faisons de l’ultra-local pour faire rayonner notre musique dans le monde.

Le statut d'intermittent qui finance aussi le temps de la création

Le premier disque du duo est de belle facture, élaboré en proximité, pour s'adresser au monde (commande sur www.alidesans.com
Vivre de sa musique ? AS - Ah ! peut-être aurais-je du finir mes études de droit et me faire avocate, pour vivre ! Je gagnerai plus d’argent mais en fait je vivrais moins bien…Vivre de sa musique, c’est possible, mais moi je n’en fais pas pour en vivre, même s’il faut vivre.
PC – En Espagne, pas de statut d’intermittent du spectacle. En France, il rend les choses possibles. Car nous passons en fait 15% de notre temps à faire de la musique. Le reste ? factures, calculs de frais de déplacements…tout à fait autre chose, mais indispensable. Le statut nous permet de mener nos projets. Et les miens, je les mène tous en occitan. Cela me semble incroyable de pouvoir le faire ! L’intermittence est irremplaçable pour ça, pour financer le temps de la création.

Mercredi 18 Juillet 2018
Michel Neumuller