A Orange l’occitan est la « passerelle » scolaire des langues romanes

Dynamisme enseignant, soutien associatif, coopération entre enseignants expliquent l'attrait du provençal


ORANGE. Au collège comme au lycée l’enseignement de la langue régionale se connecte aux enseignements d’italien ou d’espagnol. Projets d’animation, échanges internationaux de classes et soutien associatif participent d’une belle fréquentation des cours de provençal au collège que visitera cette semaine le recteur Ali Saïb.



Au lycée de l'Arc, la langue d'oc n'est ni inaudible, ni invisible (photo XDR)
Au collège Barbara Hendricks d’Orange l’apprentissage des langues est une affaire sérieuse. Le recteur de l'Académie d'Aix-Marseille, Ali Saïb, pourra s'en rendre compte en visitant l'établissement, vendredi 5 septembre.
 
Et tout pareil au lycée de l’Arc, où les collégiens iront ensuite étudier pour la plupart, en traversant simplement la rue. Sur les murs de celui-ci les attendent déjà des maximes écrites en bleu, telles que « es sus la talvera qu’es la libertat », ou encore « quau ten la lengo ten la clau ».
 
Le trait d’union entre ces deux établissements, c’est la belle vivacité du cours d’occitan-provençal qu’y dispense Matthieu Poitavin.  « 20 élèves en moyenne par classe, de la 6è à la 3è, mais ensuite deux fois moins au lycée, bien que les effectifs soient très différents d’une année sur l’autre ».
 
Le jeune professeur tient une même ligne de conduite dans les deux établissements où il enseigne. Il cherche à favoriser les coopérations entre profs de langue.

Théâtre en italien en provençal, initiation à l'espagnol...

« Très tôt, avec Isabelle Guidon, ma collègue d’italien au collège, nous avons misé sur le partenariat. Les deux langues sont romanes, les élèves ont soif d’apprendre et de voir le monde dans sa diversité. C’est une situation tout à fait favorable ».
 
Quand nous l’avons interrogé, alors qu’il préparait sa pré-rentrée, le prof de provençal était sur un nuage. « Je viens d’apprendre que nous aurons un budget pour lancer un projet commun italien-occitan et monter un spectacle ». Les élèves de 5è en feront leur miel.
 
Et quand il traverse la rue, au lycée, Matthieu Poitevin collabore cette fois avec sa collègue prof d’espagnol. « Depuis deux ans, nous invitons une classe d’un lycée du quartier de Belvitge, à Barcelone. Les élèves orangeois font une initiation au catalan et au castillan, pendant que les élèves catalans s’initient, eux, au français et au provençal ».
Elèves barcelonais et orangeois pour échanger en occitan, catalan, français et espagnol (photo XDR)

L'occitan passerelle entre langues romanes

A voir les photos de groupe des échanges précédents, on ne peut penser que ces rencontres soient tristes. « Ce sont des adolescents qui ont leur propre façon de parler, et qui ont beaucoup à se dire, sur leur manière de voir le monde, l’avenir… »
 
Les « parcours romans » sont probablement des pistes d’avenir pour favoriser la connaissance partagée par les Méditerranéens de leurs langues, comme les échanges entre Palerme et Porto.
 
Et là, la qualité de « langue passerelle » de l’occitan joue un rôle crucial. Langue proche, plus facile à apprendre, il permet aux élèves « d’embrayer » tranquillement sur les autres.
 
On connait les travaux universitaires de Claire Blanche-Benveniste et José Delofeu sur l’intercompréhension entre langues romanes. Il serait intéressant de voir avec les pratiques de terrain orangeoises ce que cela donne et comment aller plus loin.

La diversité s'invite au cours de langue d'oc

Matthieu Poitevin enseigne à plus de cent-cinquante lycéens et collégiens à Orange. Une situation exceptionnelle qu'un système local favorise, fait de partenariats, de solidarités et de projets d'échanges (photo MN)
Sans l’occitan à l’école ces projets favorables à l’apprentissage des langues et à l’appréhension du monde n’auraient pas vu le jour dans la cité nord provençale.
 
Avec la création d’une école Calandreta qui vient de fêter ses 20 ans, l’enseignement de la langue régionale a pris son essor dans cette ville du Vaucluse, où de nombreux enfants de travailleurs immigrés choisissent d’apprendre l’occitan.
 
En 2008, à l’occasion d’une Semaine de la création occitane au lycée de l’Arc, notre journal avait pu se rendre compte des résultats. S’adresser en provençal à des élèves de terminale qui vous comprennent parfaitement et vous répondent correctement fut un grand moment. Quand vous apprenez que ces jeunes gens sont souvent issus d’une immigration récente, vous vous dites que l’occitan est, aussi, un bel outil d’intégration. Avec lui on se sent réellement du pays.
 
« Mes élèves sont d’origine diverses : des calandrons bien sûr, mais pas tant que ça, » souligne l’enseignant d’occitan. Des enfants de résidents turcs, souvent artisans du bâtiment, fréquentent aussi ce cours. "Et ils se montrent très intéressés ».
 


Soutiens bienvenus dans la cité

A Orange, l’enseignant se sent soutenu en ville. L’Association Ben Leu (bientôt) récolte des fonds pour apporter un complément aux projets d’animation des enseignants, depuis la maternelle de la Calandreta locale, jusqu’à la classe de terminale.
 
« Un loto est organisé par l’association, qui est doté par des entreprises locales. Le dynamisme de l’association fait beaucoup pour rendre attirant l’enseignement du provençal » soutient Matthieu Poitavin.
 
Il n’est pas inutile de préciser qu’Annie et Bernat Vaton, à l’origine du projet de Calandreta, sont aussi les piliers de l’association Ben Leu.
 

Mardi 2 Septembre 2014
Michel Neumuller