En France comment s’en sortiront les artistes de musique dite occitane ? Ici le statut d’intermittent les protège mieux, théoriquement, comme pour leurs confrères belges, les seuls en Europe à disposer de cet airbag économique.
“Moussu T a vu annuler une dizaine de dates d’ici le 15 mai, et ces cachets en moins obéreront aussi nos possibilités d’allocations chômage”, tempère Manue, de Manivette Records, l’intendance et la production de ce groupe ciotaden, comme du Massilia Sound System et de Gigi de Nissa, tous victimes colatérales du coronavirus...mais aussi de l’absence d’intérêt de l’Etat à ce jour.
Le statut d’intermittent permet aux artistes argant de 507 heures de contrats dans l’année, de toucher des allocations chômage durant quelques mois. “Mais le calcul est fait à partir d’une date fixe dans l’année, et le confinement fera perdre tant d’heures en deux mois que beaucoup ne pourront satisfaire à cette règle. Nos syndicats sont actifs sur la période et demandent l’abaissement du seuil à 400 h annuelles” poursuit Manue.
L'article complet, avec problématiques posées par les artistes, les programmateurs et les organismes dans notre numéro mensuel d'avril.
Vendredi dernier, aux Docks de Marseille, le Massilia Sound System au grand complet joue et chante devant environ 3000 personnes. A un moment sur scène, Tatou, le compositeur et chanteur évoque la situation en Catalogne. « J’ai dit qu’à Marseille on était bien placé pour savoir ce que c’est la solidarité » répond-il à notre question. « Et bien placé aussi pour comprendre ce que c’est d’être confronté à un centre, une capitale toute puissante ». Applaudissements dans la salle !
« Attention ! Un concert, ce n’est pas un meeting. Les gens ne viennent pas nous voir pour ça. Ceci-dit, la situation là-bas est grave, on enferme des gens qui ont des idées, et l’Europe regarde sans rien dire ni faire. Moi les bras m’en tombent. J’ai réagi ».
Peu avant, sur la même scène marseillaise, le groupe occitan des Valadas d’Italie, Lou Seriol, avait aussi évoqué la drôle de démocratie espagnole. Avec le même résultat dans le public.
« Si les Catalans doivent être indépendants, ça c’est à eux de le dire, pas à moi » poursuit Tatou. « En revanche, le respect de la démocratie, en Europe, ça nous regarde tous ». Et l’emprisonnement d’opposants politiques n’est ni conforme à la démocratie, ni compatible avec les valeurs européennes.
L’artiste occitaniste n’est pas un fan des frontières, et ce n’est pas la création éventuelle d’un nouvel Etat qui motive ses dires. Par contre, la défense « républicaine française » du revival franquiste outre Pyrénées, ça, ça l’énerve. «Tous ces gens de gauche que je vois défendre sans ciller les restes du Franquisme ; qui préfèrent une monarchie à une République, au prétexte que cette dernière ne serait pas parfaite !… »
Avec l’affaire de l’indépendance catalane, on touche là où ça fait mal, explique-t-il ; ici les fantasmes français ressurgissent immédiatement : « des gens défendent la démocratie en Catalogne, et tout de suite on veut voir la Corse atteinte de poussée indépendantiste, on imagine le Roussillon tout d’un coup séparatiste, l’Alsace quitter la France…A croire que, y compris dans ma « famille politique », si peu étatique, on préfère sans réfléchir l’Etat et ses entorses à la démocratie. Très révélateur. »
Mais révélateur de quoi ? « Félix Castan disait que le centralisme est une maladie mentale. A voir combien ce réflexe revient immédiatement, et comment on réfléchit, cette idée s’impose. Comme si on ignorait ce qu’est la Catalogne ! Je me rends compte combien le centralisme à la Louis XIV est ancré chez nos élites. Pas de réflexion, rejet immédiat, réaction négative, silence…Et ça ne se passe pas en France. Imaginez l’an prochain, le référendum pour l’indépendance de la Nouvelle Calédonie ! Ça promet ».